A l'école, les enfants apprennent à dire ssiyara, terme par lequel, dans le monde arabe, on désigne l?automobile. Le mot, qui n'existe pas, bien sûr, dans la langue classique, est dérivé du verbe s'ara (aller, circuler), la voiture étant ce qui va, qui circule, et par les temps qui courent, il faudra préciser qui «va très vite», même trop vite ! Ce mot est également employé dans les médias, les publicités, mais en dépit du matraquage quotidien, les Algériens continuent à dire tomobil pour voiture. Tomobil vient du français «automobile» ou plutôt, c'est une contraction du mot automobile, celui-ci ayant perdu, dans le passage à l'arabe et au berbère, sa première syllabe «au». En Oranie, ce n'est pas la première syllabe qui est supprimée, mais les deux dernières : on ne dit pas tomobil mais loto, les lettres «I» et «t» étant emphatisées : l'ot'o. C'est un processus courant dans les emprunts linguistiques : ainsi, en empruntant à l'arabe le composé amir al bah'r, le français l'a réduit à «amiral», bah'r étant tombé. Mais revenons à tomobil ou loto. Ce mot est un terme générique, c?est-à-dire s'employant pour toutes sortes de voitures, indépendamment de leur marque et surtout de leur état. Une voiture en mauvais état, un tacot, est appelé t?abt'uba, sorte d'onomatopée signifiant au sens propre «frapper, donner des coups contre quelque chose». Une t'abt'uba, c'est en quelque sorte une voiture «qui fait du bruit, qui cahote, qui a des ratés». Pour une voiture d'occasion, on emploie parfois le mot karossa, mais certains l'emploient aussi dans le sens général de «voiture», notamment les personnes d'un certain âge. Cette appellation se retrouve aussi en kabyle, sous la forme takarust. Le mot vient du français carrosse, autrefois voiture luxueuse traînée par des chevaux : le mot ne s'emploie plus aujourd'hui que dans les expressions du genre «rouler carrosse», c'est-à-dire riche. C'est peut-être ce genre d'expression qui a justifié karossa, ceux qui possédaient des voitures étant, à l'origine, des riches !