Option n Devant la lenteur qu'enregistre l'opération de bancarisation des fonds informels, les pouvoirs publics veulent miser sur l'emprunt obligataire pour booster la démarche… Un premier bilan de l'opération de mise en conformité fiscale volontaire, lancée depuis août dernier, à la faveur de la loi de finances complémentaire de 2015, a été dressé fin février par le directeur général des Impôts, Abderrahmane Raouia. Et il semble que l'engouement n'y est pas. Seulement 250 personnes ont « adhéré à l'opération de régularisation fiscale entamée en août 2015 », avait alors indiqué ce responsable qui n'a pas souhaité avancer le montant déposé par les déposants. Selon le président du forum des chefs d'entreprise (FCE), Ali Haddad, le chiffre de «37 milliards de dollars circulant dans le marché informel en 2015 a probablement grimpé cette année», affirmant que l'emprunt obligataire constitue une incitation à toutes les personnes disposant de fonds à les injecter dans les circuits formels. De plus affirme-t-il, «l'emprunt obligataire est une mesure susceptible de faire face aux effets de l'actuelle conjoncture économique défavorable». Pour lui, le crédit intérieur de «plus sûr» par rapport au crédit extérieur. Pour l'économiste Chérif Belmihoub, le taux de 5% fixé pour cet emprunt devra garantir un engouement de la part des épargnants. En effet, explique-t-il, un tel taux est intéressant dans la mesure où il est aligné sur le taux d'inflation, mais il est beaucoup mieux rémunéré que les dépôts bancaires dont les taux tournent actuellement entre 1,75 et 2%. «Une rémunération des obligations à 5% n'est ni trop élevée ni trop basse. Elle est juste ce qu'il faut. On ne peut pas fixer un taux de 3%, par exemple, car les intérêts tirés par les souscripteurs auront été vite absorbés par l'inflation et ça ne serait donc pas intéressant pour eux. Il fallait impérativement offrir un taux supérieur au taux d'inflation ou, du moins, aligné sur ce dernier», détaille-t-il. De plus estime-t-il, le recours à un emprunt obligataire d'Etat, annoncé mercredi par le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, est une alternative financière judicieuse pour contribuer dans le financement budgétaire face à la baisse des cours de brut et des ressources financières publiques. «L'emprunt obligataire est une bonne chose car c'est le seul moyen qui reste pour mobiliser l'épargne nationale et faire face aux engagements budgétaires du pays. Il évitera un recours précipité à l'endettement extérieur», explique ce professeur en économie institutionnelle et en management. R. N. Le bémol … M. Belmihoub avise, cependant, que ce taux d'intérêt attractif de 5% pourrait engendrer «un effet d'éviction sur les investissements» du fait d'un éventuel transfert massif des fonds déposés dans les banques vers l'achat des obligations d'Etat. Selon lui, en dehors des fonds informels, une grande partie de l'épargne nationale se trouve déjà dans les banques, et un tel écart entre le taux de l'emprunt obligataire et les taux d'intérêt bancaires servis aux épargnants risquent de pousser ces derniers à retirer leurs fonds pour les placer dans les obligations étatiques mieux rémunérées. Un tel scénario diminuerait les financements bancaires en direction des entreprises et risque, donc, de réduire les investissements: «C'est pour cette raison que ça serait plus intéressant si l'on arrive à puiser dans les fonds formels hors secteur bancaire». Par ailleurs, il préconise que l'emprunt soit à la fois public et institutionnel pour permettre à l'Etat de collecter des fonds auprès, à la fois, des entreprises et des particuliers.