Suggestion n L'UE attend de la Turquie qu'elle reprenne «tous les réfugiés non syriens» et fasse tout pour stopper le départ de migrants syriens depuis ses côtes. C'est ce qu'a déclaré, ce lundi le Premier ministre néerlandais Mark Rutte en arrivant à un sommet censé donner un coup de fouet à leur coopération dans la crise migratoire. «Mais cela ne suffit pas, finalement on veut également avoir un zéro en vue pour le flot de réfugiés syriens (quittant les côtes turques, ndlr), on va voir quelles mesures peuvent être prises», a ajouté le Premier ministre néerlandais, dont le pays assure le présidence tournante de l'Union européenne. En même temps, M. Rutte s'est dit «moyennement optimiste» lorsqu'il a été interrogé sur les «concessions» que la Turquie pourrait faire à l'UE. Celle-ci a désespérément besoin de sa coopération pour réduire les arrivées de migrants sur les côtes grecques qui risquent de reprendre de plus belle lorsque la météo s'améliorera au printemps. La Turquie et l'UE sont «d'accord qu'il faut étape par étape retrouver le contrôle, cela vaut aussi bien pour les réfugiés non syriens que pour les réfugiés syriens au final (...) c'est vraiment notre ambition commune de mettre fin au ‘business model' des trafiquants d'êtres humains et des passages dangereux» en mer Egée, a expliqué le dirigeant néerlandais. «Je vois une perspective aujourd'hui pour des avancées (...) mais prudemment», a-t-il commenté. De son côté, le chef de la diplomatie française, Jean-Marc Ayrault a estimé que la France doit «monter en puissance» pour l'accueil des réfugiés demandeurs d'asile qu'elle s'est engagée à prendre en charge. «Quant à la relocalisation des réfugiés demandeurs d'asile, la France s'est engagée, et veut non seulement respecter sa parole, mais elle veut rendre effectif cet accueil», a déclaré le ministre sur la radio France Inter. «On avait prévu 30 000 sur deux ans, et on est à peine à 1 000 aujourd'hui (...) Il faut monter en puissance de façon extrêmement volontariste», a-t-il ajouté. «Nous prenons notre part, mais il va falloir être plus volontariste. Parce que les moyens pour accueillir les personnes demandeurs d'asile en France existent», a-t-il dit. «Il va falloir proposer par exemple à la Grèce que les personnes qui ont été enregistrées dans les hotspots (centres d'enregistrement) et qui relèvent du droit d'asile, puissent venir en France», a poursuivi M. Ayrault.La question de l'accueil des réfugiés, qui fuient les conflits en Syrie, en Irak ou en Afghanistan, revient régulièrement à la une du débat politique en France. Le Premier ministre Manuel Valls a été vertement critiqué au sein du camp socialiste, pour avoir déclaré à la mi-février à Munich (Allemagne) que l'UE devait faire passer le message que «nous n'accueillons plus de réfugiés», prévenant que «sinon, nous serons amenés à rétablir les frontières intérieures». F. H./Agences L'«amère expérience» européenne des Afghans l Mohammed Asif visait «une vie confortable» en Allemagne. Las, son périple homérique jusqu'en Europe et deux mois cauchemardesques dans des centres de réfugiés ont convaincu cet Afghan de rentrer à Kaboul, malgré les violences et le chômage. «Je pensais que mon rêve allait se réaliser en Europe», explique Mohammed Asif. Ce rêve, ils sont nombreux à le poursuivre pour fuir la guerre et un horizon économique calamiteux. Sur la corde raide financièrement, Mohammed Asif Nouri, diplômé en économie de 26 ans, a pris la route de l'exode à la fin de l'année dernière. Il raconte un périple éprouvant qui l'a mené de Kaboul à Francfort-sur-le-Main (Allemagne) en passant par l'Iran, la Turquie, la Grèce, la Macédoine, la Serbie, la Croatie, la Slovénie et l'Autriche. «Le plus dur a été de passer d'Iran en Turquie», dit-il. «Il y avait dans notre groupe un garçon afghan grassouillet qui avait du mal à marcher en montagne. Les passeurs lui ont donné un coup de pied, il a dévalé la pente et on n'a jamais retrouvé son corps». Balloté d'un centre de réfugiés à l'autre, de Francfort à Hambourg, de Hambourg au land de Saxe-Anhalt, Mohammed Asif a côtoyé des Syriens, des Irakiens et une constante : «Le nationalisme européen». «Les Européens pensent que nous allons détruire leur culture», avance-t-il. Et de raconter comment un Allemand auquel il demandait son chemin l'a d'abord sommé de s'écarter de trois mètres avant de lui répondre «en allemand, alors que 99% des Allemands parlent anglais». Au bout de deux mois, Mohammed Asif en a eu assez. Il est rentré en Afghanistan grâce à l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), sans attendre que sa demande d'asile soit examinée. «L'Europe a été une expérience amère pour moi», lâche-t-il. Une «urgence absolue» l C'est ainsi qu'a qualifié hier dimanche, le Premier ministre grec, Alexis Tsipras, le transfert de milliers de migrants vers d'autres pays de l'UE. L'Union européenne doit rapidement débloquer une enveloppe inédite (700 millions d'euros sur trois ans) pour aider la Grèce, plongée dans une terrible crise économique. Et lui fournir les moyens de mieux contrôler sa frontière extérieure, qui est aussi celle de l'UE, via l'agence européenne Frontex. La situation humanitaire reste dramatique. Plus de 30 000 migrants demeurent bloqués en Grèce dans des conditions misérables, en raison des restrictions imposées par plusieurs pays des Balkans. La Macédoine a réduit tout au long de la semaine le nombre des entrées de migrants, pour n'en accepter qu'une centaine hier dimanche. 15 000 à 20 000 migrants continuent d'arriver chaque semaine de Turquie sur les côtes grecques, moins qu'à l'automne mais en nombre «beaucoup trop élevé», selon les dirigeants européens qui craignent un nouvel afflux au printemps. De l'«argent gaspillé» l Le président tchèque Milos Zeman, connu pour ses déclarations musclées, a estimé dimanche que l'Union européenne ne devrait pas verser à la Turquie 3 milliards d'euros d'aide à l'accueil des réfugiés, estimant qu'il s'agirait d'«argent gaspillé». «Ce n'est que de l'argent gaspillé», déclaré M. Zeman à la chaîne de télévision TV Prima, à la veille d'un sommet extraordinaire UE-Turquie sur la crise des migrants, prévu à Bruxelles. L'UE attend d'Ankara des efforts pour enrayer le flot des candidats à l'exil. «La Turquie n'est ni capable ni prête à faire quoi que ce soit des migrants, si ce n'est de les jeter en prison, ce qui n'adviendra probablement pas», a affirmé le chef de l'Etat tchèque. L'accord signé en novembre dernier, et engageant Ankara à ralentir le flux des migrants en échange d'une aide de 3 milliards d'euros et d'une accélération de sa procédure de candidature à l'UE, n'a pas donné les résultats escomptés, provoquant la frustration des Européens. M. Zeman, lui, préconise le renvoi des migrants économiques et des personnes soupçonnées de terrorisme, tout en dénonçant «l'échec complet» de l'UE face à la crise. L'année dernière, il avait qualifié l'afflux de migrants d'«invasion organisée» et sommé les jeunes gens d'Irak et de Syrie de prendre les armes contre le groupe Etat islamique plutôt que de fuir vers l'Europe.