L'Union européenne (UE) s'efforçait vendredi de trouver des solutions à la crise migratoire qui secoue l'Europe alors que la photo d'un petit Syrien mort noyé et échoué sur une plage turque continue de provoquer une avalanche d'appels à réagir face au drame humanitaire. A Luxembourg, les ministres des Affaires étrangères des pays membres de l'UE étaient réunis pour tenter de répondre à la plus grave crise migratoire depuis 1945, qui divise profondément les dirigeants du bloc européen. Face aux divergences sur cette question, le ministre allemand des Affaires étrangères Frank-Walter Steinmeier a appelé les Européens à "coopérer". "L'Europe n'a pas le droit de se diviser face à un tel défi", a-t-il lancé avant d'ajouter: "Les récriminations ne vont pas aider à ce que le problème devienne contrôlable". Après avoir appelé les 28 pays de l'UE à "passer à un autre mode de coopération", le ministre allemand a aussi plaidé pour "une politique d'asile européenne commune", rappelant qu'il avait soumis avec ses homologues français et italien, Laurent Fabius et Paolo Gentiloni, une proposition en ce sens aux autres Etats de l'UE. L'Europe doit agir "ensemble et unie" A l'issue d'une visite en Grèce, principale porte d'entrée sur le continent européen pour les réfugiés et migrants, le numéro deux de la Commission européenne, Frans Timmermans, a appelé l'Europe à agir "ensemble et unie" pour, a-t-il dit, faire face "avec succès" à la crise migratoire. "Nous pouvons réussir, ensemble et unis, ou nous pouvons échouer chacun à sa propre façon, dans son propre pays, ou sur ses propres îles", a-t-il affirmé, dans une conférence de presse sur l'île de Kos, en Egée orientale, une des plaques tournantes des flux d'exilés. Plus de 230.000 migrants sont entrés en Grèce par la Méditerranée depuis janvier. Les îles grecques, surtout Lesbos et Kos, sont débordées par la vague migratoire et les incidents entre Syriens et Afghans ou entre migrants et la police sont fréquents. Par ailleurs, le Premier ministre britannique David Cameron a affirmé que son pays était prêt à "accueillir des milliers de réfugiés syriens supplémentaires", alors que son refus jusqu'ici d'accepter plus de monde sur le territoire britannique a été dénoncé et jugé "inacceptable" par plusieurs pays. De leur côté, l'Allemagne et la France ont lancé une initiative commune pour "organiser l'accueil des réfugiés et une répartition équitable en Europe" des familles qui ont fui principalement le conflit en Syrie. Dans ce contexte, le Haut-Commissaire de l'ONU pour les réfugiés (HCR), Antonio Guterres, a demandé aux Européens de se partager l'accueil de quelque 200.000 personnes. "Il faut une réponse exceptionnelle" face à une "crise massive", a-t-il déclaré. Il a également, une fois de plus, appelé les dirigeants européens à mettre urgemment en place des centres de réception et d'enregistrement des migrants et réfugiés en Grèce, en Italie et en Hongrie, pour aider ces pays et éviter une "situation chaotique". Le Haut-Commissaire du HCR a souligné qu'"il s'agit avant tout d'une crise de réfugiés et pas seulement d'un phénomène migratoire", car la grande majorité des migrants viennent de pays en proie à des conflits, comme la Syrie, l'Irak et l'Afghanistan. Depuis janvier, près de 365.000 personnes ont traversé la Méditerranée, et plus de 2.700 sont mortes en effectuant ce périple, selon les chiffres publiés vendredi par l'Organisation internationale pour les migrations (OIM). "Enorme augmentation" des dons après la photo du petit Aylan Elle a fait le tour du monde, la photo de l'enfant syrien Aylan Kurdi, 3 ans, échoué sur une plage turque est la photo "choc" de la crise migratoire et continue de susciter une vague d'indignation dans le monde entier alors que les appels à réagir pour mettre fin à ce drame humanitaire ne cessent de se multiplier. Le petit Aylan Kurdi s'est noyé avec onze autres personnes - dont son frère de 5 ans et sa mère - dans le naufrage de deux embarcations qui tentaient de rallier dans la nuit de mardi à mercredi l'île grecque de Kos depuis la ville côtière turque de Bodrum, l'un des plus courts passages maritimes entre la Turquie et l'Europe. Les clichés du corps d'Aylan, échoué sur le sable avec son tee-shirt rouge et son bermuda bleu, ont eu l'effet d'un électrochoc. Aux Pays-Bas, l'image a été "un énorme catalyseur" pour les dons, selon un employé du Conseil pour les réfugiés. "Avant, les gens avaient un peu peur de l'arrivée des réfugiés et maintenant, ils sont en train de réaliser que nous devons faire plus", a-t-il ajouté. En outre, l'ONG maltaise Migrants Offshore Aid Station (Moas) a reçu un afflux record de 600.000 euros de dons depuis la parution de la photo. "La vague d'indifférence est en train de se retirer", a déclaré Christian Peregrin, porte-parole de cette ONG. Plus de 10.000 donateurs se sont manifestés ces dernières 48 heures, essentiellement des Etats-Unis et du Royaume-Uni, mais aussi de Turquie, d'Allemagne ou même du Brésil, selon l'ONG maltaise. En Suisse, l'ONG la Chaîne du bonheur a reçu 600.000 CHF (550.000 euros) de lundi à mercredi. Depuis jeudi, cette organisation a reçu 1.200.000 CHF (1,1 million d'euros). L'Organe néerlandais pour les demandeurs d'asile (CAO) a, lui, dû engager six téléphonistes supplémentaires jeudi après avoir été "submergé" sous les appels pour des dons et du volontariat. La photo du petit Aylan " a vraiment accéléré l'engagement " populaire, confirme, par ailleurs, Malin Lager, porte-parole de Médecins sans Frontière. "Nous avons enregistré jeudi dix fois plus de demandes pour être donateur régulier qu'un jour normal ". Dans le monde sportif, le Comité Olympique a créé un fonds d'urgence de deux millions d'euros pour des programmes d'aide aux réfugiés alors que le club de football du Bayern Munich a annoncé un don d'un million d'euros. Le Haut-Commissariat de l'ONU pour les réfugiés a également vu "une énorme augmentation" des dons, a assuré la porte-parole Melissa Fleming, évoquant "des centaines de milliers de dollars". Mais le Haut-Commissariat et ses partenaires "restent vraiment sous-financés", assure Mme Fleming : "nous ne sommes financés qu'à 35% pour les réfugiés qui ont besoin d'assistance de base dans les pays limitrophes de la Syrie".