Images n Le corps d'un jeune homme, le visage déformé par un impact de balle, gît sur la plage de Grand-Bassam. Il fait partie des 14 civils tués ainsi que deux militaires ivoiriens, par des djihadistes qui ont semé la terreur dans la station balnéaire prisée des habitants d'Abidjan. A quelques mètres du jeune homme, sous un «maquis», une des paillotes qui se succèdent le long de la plage, des médecins retournent le corps d'une femme en maillot de bain. Plus loin, un homme en chemise est étendu, les bras en croix. «C'est un des terroristes. Il a pris une balle perdue, tirée par ses amis», dit une serveuse d'un bar voisin. Deux autres corps sont à proximité. Militaires et policiers en armes parcourent les lieux en permanence et en mer, un zodiac de l'armée sillonne le rivage pour chercher d'éventuels corps. A quelques centaines de mètres, des milliers de personnes attendent de l'autre côté du pont qui sépare la nouvelle ville du quartier «France». «Au début on a cru que c'était des pétards de jeunes, puis on a compris que c'était des djihadistes. Ils ont commencé à tirer sur tout le monde», explique une vendeuse sur la plage. A l'Etoile du sud, visé par les assaillants, les serviettes des baigneurs sont abandonnées autour de la piscine de cet hôtel de luxe, fréquenté par une clientèle occidentale. Une balle s'est logée dans la vitre du réfrigérateur du bar. Par terre, une immense flaque de sang. Le bilan aurait pu être encore plus lourd car les assaillants avaient aussi des grenades. Abbas El-Roz, commercial d'origine libanaise, était à la piscine de l'hôtel au moment de l'attaque. «J'ai vu un des assaillants de loin, raconte-t-il. Il avait une Kalachnikov et une ceinture de grenades. Il cherchait des gens». Il s'est alors réfugié dans sa chambre avec trois amis pour attendre les secours. Carine Boa, une Belgo-Ivoirienne, était dans un «maquis» avec ses deux fils. «On nous a dit que c'était une dispute entre deux patrons de bar, puis que c'était plus grave. On s'est réfugiés dans une petite remise. On était une vingtaine», raconte cette enseignante au lycée international Jean Mermoz d'Abidjan, venue passer la journée à la plage. Dans la vieille ville, protégée par les forces de l'ordre, Marie-Claire Yapi est en pleurs avec son jeune fils. Dans la panique, elle a été séparée de son bébé de neuf mois et de sa soeur. «On a vu un des hommes (celui tué sur la plage), raconte-t-elle. Il avait une Kalachnikov. Même touché, il avait encore envie de tuer. Un homme m'a dit : -Ne restez pas là. C'est du sérieux. Ils tuent tout le monde-». Les assaillants «arrosaient et criaient Allah Akbar». L'un d'eux «achevait les gens à terre». De Tunis à Ouagadougou, en passant par Bamako et Le Caire l Après le Burkina et le Mali, la Côte d'Ivoire a été la cible, dimanche, d'une attaque djihadiste. Tout juste deux mois auparavant, soit le 15 janvier dernier, trente personnes, majoritairement des Occidentaux, sont tuées et 70 blessées lors d'un raid djihadiste contre l'hôtel de luxe le Splendid et le restaurant Cappuccino à Ouagadougou, la capitale du Burkina Faso. L'assaut, donné par les forces burkinabè soutenues par des militaires français, dure une douzaine d'heures. L'attaque contre ces deux lieux de rendez-vous de la communauté expatriée, est revendiquée par le groupe AQMI, qui l'attribue au groupe El Mourabitoune du chef djihadiste Mokhtar Belmokhtar. Au Mali, le 20 novembre 2015, l'hôtel Radisson Blu à Bamako est attaqué par des hommes armés qui y retiennent clients et employés durant neuf heures. Des forces maliennes et étrangères, notamment françaises, interviennent. 20 personnes, dont 14 étrangers, périssent dans l'attaque ainsi que deux assaillants. Le 4 décembre, Aqmi, qui annonce son ralliement du groupe El Mourabitoune, revendique conjointement la prise d'otages. Déjà, le 7 mars 2015, un attentat à la grenade et à l'arme automatique en plein centre de Bamako avait fait cinq morts (trois Maliens, un Français et un Belge) et huit blessés, dont deux Suisses, au bar-restaurant La Terrasse et aux alentours de ce haut lieu de la vie nocturne. L'attentat avait déjà été revendiqué par Al-Mourabitoune. En Egypte, le 31 octobre de la même année, les 224 occupants d'un Airbus A321 russe, touristes et membres d'équipage, périssent dans le crash de leur appareil dans la péninsule du Sinaï. Le crash est revendiqué par la branche égyptienne de l'organisation djihadiste Etat islamique (EI). Moscou confirme que celui-ci a été provoqué par l'explosion d'une bombe. L'attaque d'hier en Côte d'Ivoire rappelle également celle d'un hôtel à Sousse (Tunisie) qui a fait 38 morts le 26 juin 2015, et revendiquée par le groupe Etat islamique (EI) et fait suite à plusieurs attaques en Afrique de l'Ouest visant des lieux fréquentés par des étrangers, à Bamako (20 morts dont 14 étrangers le 20 novembre) ou Ouagadougou (20 morts le 15 janvier). La terreur Aqmi l Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) a revendiqué l'attaque dans un communiqué diffusé en début de soirée. Ce communiqué fait état de trois assaillants, tandis que les autorités ivoiriennes ont déclaré avoir tué six assaillants. L'organisation terroriste promet la diffusion prochaine d'un communiqué plus détaillé, sans doute, comme à son habitude, avec la photo des membres du commando. Selon le site mauritanien El Akhbar, l'attentat pourrait avoir été mené par El Mourabitoune, le groupe de l'Algérien Mokhtar Belmokhtar qui, depuis fin 2015, est devenu une brigade d'Aqmi. Appels au calme l La ministre ivoirienne de la Communication, porte-parole du gouvernement, Mme Affoussiata Bamba Lamine, avait appelé les populations au calme suite aux attaques armées qui auraient touché deux unités hôtelières du Grand-Bassam. La responsable ivoirienne a ajouté que les services de sécurité sont mobilisés sur les lieux du drame pour circonscrire les événements et protéger les populations. Les autorités ivoiriennes ont recommandé également aux personnes voulant regagner la métropole économique ivoirienne, à partir de la ville d'Assinie (90 km d'Abidjan) et des autres localités de la région, d'éviter la zone du Grand-Bassam.