Souvenirs n L'écrivain, avec sa plume trempée dans l'encrier d'une écriture intérieure, donne des textes de réflexion. «Le jour où Mme Carmel sortit son révolver» est un recueil de nouvelles écrit par Arezki Metref et paru aux éditions Dalimen. Cinq nouvelles. Autant de récits où l'auteur extrait des pages de son enfance qui sommeillaient en lui. Un petit garçon engrangeant au fur et à mesure de ses premières années de jeune écolier dans cette cité populaire, la vérité tragique de la guerre avec tout ce que cela interprète d'émotions qu'il dissèque dans ce recueil. Car il y a un travail de réconciliation avec ses souvenirs, d'une époque, de lieux et de liens. L'écrivain, avec sa plume trempée dans l'encrier d'une écriture intérieure, donne des textes de réflexion, si courts soient-ils. Dès la première nouvelle, laquelle cède son titre au livre, on a un adulte livrant un fait ayant tourné au drame. Un visage d'une femme, son institutrice en l'occurrence, qui le poursuit pendant des années. Le souvenir est assourdissant par sa dimension muette. Les traits raffinés de madame Carmel, son pistolet, le coup de feu tiré par la fenêtre de la classe, la terreur qui se déclenche et notre écolier traumatisé par les deux coups tirés par madame Carmel dans sa direction. Le geste qui aurait pu lui être fatidique le taraudera encore longtemps. Disparue «sans laisser trace de vie», madame Carmel le hantera toujours. Son corps a eu le temps de se décomposer une crevasse d'un terrain vague.Le monde féminin ou bien le genre féminin apparaît indissociable de la teneur du recueil de nouvelles. «La mère, l'indépendance, l'Algérie, la liberté, Mme la France». Autant de thèmes qui caractérisent la non-rupture entre l'adulte qu'est le narrateur et les situations vécues ou non par ce dernier. On peut dire que l'avertissement sur le côté fictionnel du recueil n'enlève en rien la charge émotionnelle et rationnelle qui en émane. Aîchouche, la silencieuse. La réservée avec son «mutisme distant, impérial». Presque absente. Génitrice, pivot central de la maisonnée et essentielle au bonheur de l'aîné de ses enfants qui se sent mal aimé. Première femme, premier amour sans conteste dans la vie de son garçon, elle l'a toujours tourmenté par ses silences gravitant autour d'un secret où se taisait «le verdict d'une grande douleur». Notre lecture se poursuit avec «La tectonique des murs» et «Le jour où Menouar brisa son silence», deux récits qui font découvrir des pans de mémoire de la petite enfance de la cité des Eucalyptus sur des faits inhérents à la fin de guerre de libération. Cependant, on retiendra «Mme la France», une nouvelle où l'auteur n'a pas lésiné sur les expressions amusantes et les situations cocasses. «La France est une dame sifilizée, elle a la tête pleine d'époux, Vava ne dormait pas sans biberonner sa fiole de Phenergan…» Autant de termes et autres locutions délassantes qui prennent de la distance avec la mort bouleversante des frères Mowgli. On redécouvre la cité des Eucalyptus sous les feux de la rampe.