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Le jour où Mme carmel sortit son revolver d'Arezki Metref : Les grandes douleurs sont muettes
Publié dans Le Temps d'Algérie le 29 - 12 - 2015

Cette nouvelle publication d'Arezki Metref, Le jour où Mme carmel sortit son revolver, parue aux Editions Dalimen, renvoie également à ses souvenirs d'enfance et à une certaine période de l'Algérie.
A travers quelques nouvelles et une centaine de pages, l'auteur, toujours aussi nostalgique, à la limite passéiste, semble lesté à son passé qu'il rappelle incessamment. La période de l'enfance loin d'être sublimée ou magnifiée évoque des souvenances bienfaisantes et d'autres désagréables. Il convoque ce passé qui l'interpelle dans une grande charge émotionnelle. Mais la réalité omniprésente le rattrape. Durant la période coloniale, l'auteur évoque son école et Mme Carmel, son institutrice. Il assiste à des événements de la guerre de Libération nationale qu'il a engrangés dans sa mémoire infaillible et à travers ses yeux d'enfant, il mesure la gravité des méfaits de la colonisation sans toutefois en maîtriser toutes les données et conséquences. Apeuré et sans une réelle compréhension, il voit défiler ses réminiscences où militants du FLN, soldats français, parachutistes lui renvoient l'image d'une guerre dont il ne saisit ni toute l'importance, ni toutes les données. «C'est quoi la France pour un indigène ? Et à l'indépendance, ce jour de liesse, que représente-t-il ?» Autant de questions irrésolues pour un gamin de 10 ans dont l'innocence et la candeur sont entachées de peur et d'inquiétudes.
La maman
Dans d'autres passages du livre, c'est la référence à sa mère Aouchiche qui l'a formé et a fait de lui l'homme qu'il est. Dans ce chapitre très pathétique, on ressent beaucoup d'émotion, de tendresse à l'égard de sa génitrice et de la gratitude à l'égard de la femme. «Lorsque je m'insurge contre la condition faite à la femme algérienne par le code de la famille, c'est autant en vertu du principe d'égalité politique qu'à la pensée de ce qu'à enduré ma mère. Une injustice dont j'ai été le témoin ému et révolté», écrit-il. Dans ce chapitre consacré à sa maman, il consigne la symbolique de la femme algérienne gardienne de la mémoire, des us et coutumes, dont les lourdes muselières imposées par le machisme patriarcal ont fait un être soumis. «Le silence de ma mère est le verdict d'une grande douleur. Derrière cette consomption du temps insonore, j'entends tempêter une tragédie», précise l'écrivain. Par certains passages, Arezki Metref évoque le désenchantement de l'algérien. Attendant l'indépendance avec impatience, il la découvre avec une grande désillusion. En témoignent ces diatribes : «Pourquoi tu vantes l'indépendance en sachant que ceux qui ont remplacé les colons sont pires qu'eux. Tu as vu ce qu'ils en ont fait… Aujourd'hui vue sous l'angle de toutes les promesses qui n'ont pas été tenues, l'indépendance pose les questions qu'elle ne posait pas alors, car à l'époque, elle se situait en dehors de la réalité, relevant de l'ordre du mythe gravé dans le béton». A l'évidence, l'auteur a fait à travers ses souvenances d'enfant une rétrospective de l'Algérie tout en focalisant sur les dérives et dépassements à l'indépendance et sur les exactions coloniales. Toutefois, il reste marqué par la guerre d'Algérie dont il garde les stigmates dans sa mémoire. Il la revit à travers les événements de sa cité des Eucalyptus où la famille s'installa en 1958 après moult déplacements dans le pays. Enfant, en spectateur impassible, il assistait à la guerre dans cette cité transformée en ghetto.
L'enfance
«La cité des Eucalyptus faisait à mes yeux figure de champ clos, ghetto indigène, une sorte d'entité autonome, spatialement délimitée par des barbelés invisibles, une prison ceinte par des murs qui se dressaient dans nos têtes. Le quartier était teint de la couleur carcérale jusque dans les moindres replis. Nous n'en sortions pas. Nous vivions la guerre en coulisse, sans être les témoins directs mais que nous n'apercevions pas, des actes de violence qui se commentaient sur une scène centrale que nous n'apercevions pas, mais dont l'intensité, propagée par l'onde de choc faisait que nous en recevions les heurts et parfois les victimes précise-t-il. Et d'ajouter :
«La guerre, c'est ce silence tourmenté, acéré fil de lame ponctué de bruits déchirants et sourds, explosions, détonations, crépitations, éclatements, fulminations, déflagrations, hurlements, tumultes, vacarmes, vociférations, tollés, bruits des hélicoptères, crashs, des bruits définitifs et fugaces», précise l'auteur.
Cet ouvrage original renvoie à une Algérie coloniale puis libre, sans toutefois verser dans la monotonie du récit des événements sanglants, mais à travers le regard ébaubi d'un gamin qui ne saisit pas toute l'ampleur de cette tragédie. Le jour où mme Carmel sortit son revolver est d'une écriture concise et un verbe idoine. C'est une histoire de famille en osmose avec la guerre. Intéressant, ce livre rappelle une certaine génération l'enfance colonisée.


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