Portrait n «Albert Camus ou le triangle brisé» est un condensé de thèse de doctorat en psychologie clinique soutenue à l'université d'Alger en 2006 et éditée en 2015 aux éditions ENAG. Il apparaît que Camus continuera longtemps à susciter différentes formes de réflexions, d'études ou autres approches littéraires et universitaires du fait que l'écrivain dans la deuxième phase de sa vie a refusé qu'il y ait des interférences sur son appartenance à une société donnée. Ce choix, dûment revendiqué par le prix Nobel, ne cesse de faire couler de l'encre. L'universitaire Khalifa Yahia dans cet essai de près de 500 pages revient sur la vie et l'œuvre de Camus en s'appuyant sur le plus infime des détails personnels de l'homme de lettres français, jusqu'à une lecture approfondie des textes majeurs de Camus. Un livre somme, dans lequel Khalifa Yahia s'est attaché à faire ressortir et au fur et à mesure dans un plan de travail le profil d'une littérature psychanalytique dans l'œuvre d'Albert Camus, notamment dans celle qui décrit la philosophie de l'absurde «L'Etranger». L'ébauche détermine aussi les différents genres romanesques ayant influencé Camus, soit les courants «exotique, algérianiste et l'Ecole d'Alger». D'autres grandes lignes entrent en considération dans l'ouvrage de Khalifa et se rapportent, entre autres, aux cycles thématiques qui imprègnent la littérature camusienne, voire l'absurde, la révolte, la culpabilité, les imagos parentales (représentations inconscientes du père et de la mère) ainsi qu'à d'autres thèmes jugés essentiels par l'universitaire : la culpabilité, l'exil, la séparation, la solitude et la mort. Abondant dans le sens des imagos parentales dans la création littéraire de Camus, l'auteur insiste sur cette thèse qui, dit-il, «a un impact certain sur la genèse de la notion d'absurde chez Camus ». Cinq parties constituent l'analyse approfondie donnant lieu à un ouvrage destiné, faut-il le dire, à des spécialistes et chercheurs. Toutefois si le commun des lecteurs venait à le lire il y trouverait un foisonnement d'indications historiques, géographiques et sociales. Ce qui donne une dimension documentaire impressionnante «de type encyclopédique», selon le préfacier, Abderrahmane Si Moussi. Illustrant cette approche psychanalytique de l'œuvre de Camus, l'auteur de cet essai indique que dans les éditions de la première période «Le malentendu», «La mort heureuse», «l'Etranger» et «Caligula» il ressort «une structure psychotique». Au niveau des œuvres de la seconde période «La peste», «L'état de siège» et «Les justes» Khalifa Yahia énonce qu'il en découle «une structure œdipienne». On peut découvrir dans cette publication destinée à poser un autre regard sur la vie et l'œuvre de Camus des caractéristiques principales qui reviennent souvent dans ses romans. Il s'agit de la vision tragique et de l'étrangeté du monde, thèmes reproduits souvent dans l'écriture en même temps que le vide laissé par l'absence du père. Une angoisse récurrente selon l'étude de Khalifa. Ce travail détaillé auquel nous convie l'auteur revient sur l'engagement des Algériens d'origine française qui ont fait leur notre cause nationale, entre autres Sénac, Anna Gréki, Myriam Ben, Maurice Laban, Annie Steiner et tant d'autres qui «n'entrent pas dans le cadre de cette vision absurde du monde…». Toujours est-il pour revenir à la position de Camus durant la guerre de libération, Khalifa Yahia tente en son âme et conscience de disculper celui-ci sur son refus de l'indépendance «ce droit inaliénable d'un peuple…» (Si Moussi), en lui trouvant des circonstances atténuantes. Natif de Laghouat, Khelifa Yahia a enseigné la langue arabe dans un premier temps dans les lycées d'Alger, puis a été également professeur associé de traduction et de langue française à l'université d'Alger. Diplômé des hautes études en sociologie de la littérature à la Sorbonne, il est titulaire d'un magistère en psychologie clinique.