Patrimoine n Rabéa Douibi, avec sa sérénité, caractéristique des hommes du Sud, a parlé non pas de la poésie de l'Ahaggar, mais raconté les aèdes pour une mémoire en partage. Un beau livre dans le style le plus pur. Des photos et images dont on ne se lasse pas. Du rêve en image. Encore du rêve en poèmes avec les textes qu'elle est allée chercher au gré des haltes dans le désert. «Un travail de longue haleine», dit-elle, parlant de sa quête de poèmes touareg, qui, un jour lors d'une veillée saharienne, un ancien barde a récité des vers dans sa langue maternelle, le tamahaq. C'est le coup de cœur pour cette enseignante de français qui décide en son for intérieur d'aller un jour à la rencontre du lyrisme des hommes bleus et de la tradition orale. Elle le fit. Le travail dura trois ans. Par étape et selon les moyens et aides apportées par les autorités locales de Tamanghasset. Car c'est à Tam qu'elle a posé ses valises, pour la vie, Rabéa Douibi. La poésie de l'Ahaggar, c'est Dassine. Poétesse entrée dans la légende pour son amour dédié à Moussa. D'ailleurs, c'est sur le portrait de la princesse du désert et sur un de ses textes que s'ouvre le beau livre de Rabéa Douibi. «Dassine est vénérée autant que Tin Hinan par les Touareg, elle est leur mère», signale-t-elle, lors d'une rencontre, hier, à la librairie Chaib Dzaier. De grands poètes, passeurs de mots et de mémoire transmettent à Rabéa leur parole de vent, d'étoile, de dune et de tourment. Tour à tour, selon les rencontres, les itinéraires et les campements, car il n'est pas facile d'organiser des entrevues sur de longues distances, encore moins d'accéder aux personnes. Assoumi Kadda ou Enkedda, septuagénaire, poète de la tribu Kel Ibatnanen. Un corpus humain de la poésie orale ancestrale. D'autres, comme Mohamed Ajla et Kouaren Nadjem, ou encore Amerouadh fatima, dite Chenna joueuse d'Imzad ainsi que Ag Hani Khefi jeune qui relève sur les pas de ses ainés, ont chanté et chantent encore les routes caravanières, les hommes qui marchent et le spleen des espaces erratiques. Rabéa Douibi avec cette sérénité, caractéristique des hommes du Sud, a non pas parlé de la poésie de l'Ahaggar mais raconté les aèdes pour une mémoire en partage. L'auteur évoque l'Ahal, ces rendez-vous poétiques et courtois sous le son musical de l'Imzad, qui ont subsisté jusque dans les années 40. La poésie touareg ancienne est en passe de disparaître et c'est un pan de la mémoire culturelle algérienne qui s'en va, si on ne s'empresse pas d'aller au devant de ce qui reste de passeurs de mémoire afin de collecter ce trésor oral pour le transcrire et le transmettre à la postérité, signale-t-elle en substance. On a eu droit à l'écoute de quelques pièces, lues par l'auteur. A noter que la transcription est faite en tifinagh, en latin et en français avec cette idée d'authenticité de l'héritage culturel. Les photos de Faycel Azzedine complètent par leur côté artistique l'essence lyrique du livre. Rappelons que l'ouvrage en collection beau livre, un recueil d'une quarantaine de poèmes, vient d'être réédité aux éditions Anep, une première publication a été réalisée sous l'égide du ministère de la Culture en 2001. Rabéa Douibi partage sa vie entre Alger et Tamanrasset. Jusqu'en 2001, elle a été enseignante comme professeur au lycée et à l'ITE de sa ville d'adoption. En 2004, elle a publié un recueil de nouvelles «Comme un désert», puis «La femme aux chevilles tatouées» et récemment «Le vent de la discorde».