Evasion n C'est par la porte du soleil que l'on pénètre de plain-pied dans le monde ignoré de Tiahuanaco, qui proclame son antique splendeur en Bolivie, à 4000 m d'altitude. Un jour de mai 1958, un Français venant de La Paz découvrit, sur un plateau sablonneux, une ville en ruine : Tiahuanaco. Ce Français, le journaliste Roger Delorme, connaissait l'histoire inca et les traditions des vallées andines. Il avait visité Cuzco, Pachacamac, Ollantaytambo, et admiré les colossales constructions de pierres géantes dont certaines pèsent plusieurs tonnes. Les anciennes cités incas, Machu Pichu en particulier, l'avaient fortement impressionné par une majestueuse harmonie malgré leur gigantisme. Mais à Tiahuanaco, devant les pierres et les statues éparses sur des kilomètres, devant cette Porte du Soleil ciselée comme un bracelet maure, il ressenti une emprise indéfinissable dépassant toute les émotions ressenties sur les hauts lieux du Pérou. A Tiahuanaco, le désert était habité par un secret extraordinaire que l'esprit ne parvenait pas à identifier. Roger Delorme demeura plusieurs semaines sur le plateau bolivien, subjugué par la Porte du Soleil, interrogeant le monolithe brisé en son milieu (selon la tradition par une pierre jetée du ciel), questionnant les indigènes, essayant de donner un sens logique et scientifique aux paraboles, aux images et aux pétroglyphes. Alentour, sur le plateau, des personnages monolithiques en grès, à grandes oreilles, avec des mains à quatre doigts, contemplaient de leur regard vide l'homme du XXème siècle qui essayait de comprendre leur message. L'origine de Tiahuanaco se perd dans les millénaires. Les Incas, lors de la conquête du Pérou par Fernand Pizarre, prétendaient qu'ils n'avaient jamais connu Tiahuanaco autrement qu'en ruine. Les Aymaras, le plus ancien peuple des Andes, disaient que la cité était celle des premiers hommes de la Terre et qu'elle avait été créée par le Dieu Viracocha avant même la naissance du soleil et des étoiles. L'énigmatique Rénovateur de la Religion du Soleil inca ; M. Beltran Garcia, biologiste espagnol et descendant direct de Garcilaso de La Vega, le grand historien de la Conquête ; tenait de son aïeul des documents inédits relatifs aux traditions andines. La Porte du Soleil, en elle-même, n'était qu'un témoignage incomplet. Les traditions andines, en elles-mêmes, n'étaient qu'une affabulation. Le tout, juxtaposé, faisait succéder aux interprétations des mythologies et des traditions américaines, égyptiennes, grecques et même babyloniennes, une explication enfin acceptable. L'histoire, qui s'arrêtait aux dernières dynasties pharaoniques, venait de faire un bond dans le passé et se prolongeait maintenant jusqu'au dixième millénaire avant notre ère, sinon plus loin. Les écrits pictographiques de Tiahuanaco disent que dans l'ère des tapirs géants, des êtres humains très évolués et d'un sang différent du nôtre, trouvèrent à leur convenance le lac le plus haut de la Terre (Titicaca). A Suivre…