Résumé de la 6e partie n Jenny regarda les passants s'arrêter pour admirer le tableau vedette : «Souvenir de Caroline». M. Krueger a trente-quatre ans et il est célibataire. Elle contempla la photo sur la couverture de la brochure. Et il a l'air d'un Adonis, pensa-t-elle. A onze heures trente, M. Hartley s'approcha d'elle, toute trace d'anxiété et de mauvaise humeur disparue de son visage. «Tout va bien ? — Très bien», assura-t-elle. Devançant la question suivante, elle ajouta : «J'ai rappelé le traiteur pour confirmer. Les critiques du New York Times, du New Yorker, de News week, de Time et d'Art News ont fait savoir qu'ils seraient présents. Nous pouvons nous attendre à quatre-vingts personnes environ au vernissage, une centaine en comptant ceux qui viendront sans invitation. La galerie sera fermée au public à partir de quinze heures. Cela donnera tout le temps au traiteur de s'installer. — Vous êtes parfaite, Jenny.» M. Hartley était tout charme, maintenant. Mais elle s'attendait au pire lorsqu'elle lui annoncerait son intention de quitter le vernissage avant la fin ! «Lee vient d'arriver, poursuivit-elle en désignant son assistante à mi-temps. Nous sommes fin prêts» Elle lui sourit. «Ne vous faites plus de souci. — Je vais essayer. Prévenez Lee que je serai de retour avant treize heures pour déjeuner avec M. Krueger. Quant à vous, Jenny, vous feriez bien d'aller manger un morceau tout de suite.» Elle le regarda passer le seuil d'un pas vif. Le nombre des visiteurs s'était momentanément réduit. Jenny eut envie d'aller examiner le tableau en vitrine. Elle sortit sans prendre la peine d'enfiler son manteau. Elle recula de quelques pas sur le trottoir afin de pouvoir contempler letableau à distance. Les passants la regardèrent, jetèrent un coup d'œil sur la toile, et s'écartèrent aimablement. Assise sur une balancelle dans une véranda, la jeune femme du tableau regardait le soleil couchant. La lumière était oblique, nuancée de rouge, de violet et de mauve. La mince silhouette était enveloppée d'une cape vert foncé. Quelques mèches folles couleur aile de corbeau voletaient autour de son visage déjà à moitié dans l'ombre. Je vois ce que veut dire M. Hartley, songea Jenny. Le front dégagé,le nez droit et mince, la bouche généreuse, auraient pu être ses propres traits. La véranda en bois était peinte en blanc, comme le fin pilier d'angle. Le mur de brique de la maison derrière était à peine suggéré dans le fond. Un petit garçon, découpé dans le soleil, courait vers la femme à travers champs. La neige croûteuse évoquait le froid pénétrant de la nuit tombante. Le personnage sur la balancelle semblait immobile, le regard rivé sur le couchant. En dépit de l'approche empressée de l'enfant, de l'aspect solide de la maison, de la sensation infinie d'espace, il flottait une impression particulière de solitude autour de la jeune femme. A suivre