Réactions n Certains l'adorent, d'autres le méprisent, et la plupart sont résignés : les délégués républicains investiront ce mardi à Cleveland Donald Trump pour la Maison-Blanche. Quoiqu'ils ressentent, l'homme est devenu le visage du parti. Assise sur son siège de la délégation du Colorado, reléguée par les organisateurs dans un coin de la grande salle omnisports où se déroule la convention, Regina Thomson est impassible à l'écoute des discours hagiographiques sur le nouveau chef de son parti. «Je ne peux pas voter pour lui, je n'ai aucun respect pour lui», répète-t-elle mécaniquement, calme mais choquée. «Comme républicain, il est tragiquement imparfait, et il est incapable d'être président». Elle a mené une insurrection de palais la semaine dernière, échouant lors d'un comité préparatoire à autoriser les délégués à s'affranchir des résultats des primaires pour voter selon leur «conscience». Et elle a observé de plus en plus de ses camarades républicains se rallier à Donald Trump. «Ils ne le font pas parce qu'ils trouvent qu'il est un candidat acceptable, ils le font parce qu'ils sont résignés au fait qu'on ne pourra pas changer de candidat», dit-elle. En protestant comme elle l'a fait depuis plusieurs jours, n'a-t-elle pas peur d'aggraver la guerre civile qui ronge le parti républicain ? Le parti est déjà tragiquement divisé de toute façon», répond-elle. «M. Trump ne fait absolument rien pour tenter de panser les plaies. Il aggrave même les choses», conclut-elle, sans dire pour qui d'autre elle votera à la présidentielle de novembre. Susan, elle, affiche la couleur sur sa veste en jeans, avec un simple badge de Trump devant la Maison- Blanche. Dans la queue d'une des nombreuses soirées organisées en marge de la convention, Susan Reneau raconte avoir interviewé Donald Trump il y a longtemps, lorsqu'elle était journaliste. C'est comme si elle avait rencontré un messie. Déléguée suppléante du Montana, c'est une fan de la première heure, avant même qu'il ne se lance en politique en juin 2015. «J'ai interviewé beaucoup de sénateurs et de gens qui sont devenus présidents, et j'ai tout de suite vu qu'il avait ce qu'il fallait», dit Susan. «Trump ne fera qu'une bouchée des méchants», affirme-t-elle, souli-gnant, à l'adresse des Français, qu'après les attentats de Paris et Nice, un président Trump serait aussi formidable «pour vous». Dans l'avion qui l'emmenait à Cleveland dimanche, Laura LaRue, déléguée du Kentucky a montré sur son téléphone une photo d'elle posant avec Jeb Bush, l'un des candidats terrassés par Donald Trump aux primaires. Mais contrairement au fils Bush, partisan de la ligne ni Clinton ni Trump, Laura votera pour Donald Trump en novembre. Par loyauté envers le parti. «La meilleure chose que Donald Trump ait pour lui, c'est qu'il n'est pas Hillary Clinton», explique-t-elle. «Je veux un président républicain, point final», affirme-t-elle. «L'unité du parti, c'est ce qui prime pour moi». Mais en parlant, Laura révèle qu'elle s'est doucement laissée séduire, au fil des mois, par certains aspects de la personnalité du populiste. Il promet la victoire à son parti l Donald Trump a promis hier soir à Cleveland la victoire aux républicains lors de la présidentielle du 8 novembre, à l'issue d'une première journée de convention chaotique marquée par la révolte de ses opposants. «Nous allons gagner ! Nous allons gagner !»: s'en tenant à quelques mots avant son discours de jeudi, le magnat de l'immobilier a ensuite cédé la place sur scène à son épouse Melania, «une mère fantastique, une femme incroyable, la prochaine première dame des Etats-Unis». Quelques heures plus tôt, une véritable cacophonie s'était emparée pendant plusieurs minutes de la salle omnisports Quicken Loans Arena, où près de 2 500 délégués venus de 50 Etats s'étaient rassemblés. Sifflets, cris : les débats ont cédé la place à un concours de décibels, entre partisans et opposants de l'extravagant magnat de l'immobilier. Les délégués anti-Trump ont manifesté leur mécontentement contre l'adoption d'une motion sans vote. «Un vote ! Nous méritons d'être entendus, c'est la convention du peuple !» s'est époumonée Diana Shores, une déléguée de Virginie, debout sur une chaise avec d'autres insurgés. Un parti républicain résigné l Pour le meilleur ou pour le pire, le magnat de l'immobilier, Donald Trump, sera finalement investi candidat républicain à la Maison-Blanche par les délégués de la convention de Cleveland, achevant sa mainmise historique sur le parti de Ronald Reagan. Les quatre jours de convention républicaine, dans cette ville des Grands Lacs barricadée pour l'occasion, mettent en scène la laborieuse unification de façade du parti républicain. Si l'illustre Bob Dole, candidat républicain à la présidentielle de 1996, était là hier, on ne compte plus les ténors républicains absents et les dissensions ont éclaté au grand jour, hier, quand des délégués anti-Trump ont sifflé, hué et perturbé les travaux de la convention. Mais ce ne fut qu'un baroud d'honneur, sans effet pour l'intronisation du candidat. La majorité du parti est de facto résignée. Et à cette résignation répondait la faible mobilisation des manifestants anti-Trump à l'extérieur de la convention. Des effectifs exceptionnels de policiers venus en renfort de tout le pays -- Californie, Floride, Indiana, Texas... -- arpentent les rues de Cleveland depuis ce week-end, mais beaucoup se tournent les pouces. Quelque 500 personnes ont défilé hier, beaucoup moins que ce que les organisateurs espéraient. Et les violences ou débordements que les autorités craignaient ne se sont pas produites. Une seule interpellation a eu lieu lundi. Les policiers ont aussi confisqué un petit couteau, un masque à gaz et un lance-pierres, leur seul butin du jour. Le test l «Les Américains et le reste du monde le regarderont. Si Donald Trump ne change pas cette semaine, s'il ne donne pas l'image d'un homme présidentiel... il perdra» en novembre, prévient un délégué de l'Ohio, Mike Gonidakis. «Jeudi soir, ce sera son grand moment. S'il se plante, je ne pense pas qu'il pourra s'en remettre». Pour faire le plein des voix en novembre, le fond du message de Donald Trump comptera autant que le désir des électeurs républicains d'empêcher Hillary Clinton de succéder à Barack Obama.