Reconnaissance n On l'appelait le marathonien misérable, mais il avait marqué la discipline dans les Jeux olympiques. Il s'agit d'Ahmed Boughera El Ouafi, qui avait offert à la France une médaille d'or olympique. Mais il faut savoir qu'il s'agit du premier Maghrébin, du premier Africain… du premier Algérien tout court, champion olympique. Il avait remporté l'épreuve du marathon à Amsterdam, à l'occasion des J.O.-1928, mais c'était sous les couleurs françaises. Selon un blog consacré au sport à Ouled Djellal (près de Biskra), la ville natale du champion, et contrairement à ce qu'on raconte, le mouvement sportif dans cette ville n'a pas commencé avec la création de l'équipe locale de football, la JSOD en 1930. Ahmed El Ouafi, était le porte-drapeau du sport puisqu'il a réussi à inscrire le nom d'Ouled Djellal dans les annales du mouvement sportif mondial bien avant cette date. Il fut le seul Algérien (certes représentant la France coloniale à cette époque-là) médaillé d'or aux Jeux olympiques d'Amsterdam en 1928. Les animateurs de ce blog essayent de réhabiliter sa figure de sportif de haut niveau, tombée longuement dans l'oubli. Selon ce que racontent ses proches, Bouguerra El-Ouafi était chétif car sa famille était très pauvre, à l'image de celle de tous les Algériens. Il se nourrissait de dattes, de galette d'orge et de lait de chèvre. Les légumes frais ou secs étaient un luxe pour la famille. Ce régime, très riche en calcium et autres vitamines, lui donna beaucoup de force et on raconte qu'il parcourait plus de 15 kilomètres quotidiennement. Vivant mal sa misère, il a émigré vers la France en quête de travail comme tous les Algériens. Lors de son service militaire, un officier avait remarqué ses qualités athlétiques. Il a été vite retenu par la Fédération française d'athlétisme pour les Jeux olympiques de Paris en 1924 ce qui ne l'a pas empêché d'arracher une belle 7e place. Quatre ans plus tard, El Ouafi avait affronté l'épreuve d'Amsterdam avec plus d'expérience, laissant aux favoris la folie d'un rythme effréné avant de dépasser tout le monde à la fin. Ruiné, il avait sombré dans la précarité jusqu'à la fin de ses jours. Il a été mal conseillé, il était victime de son ignorance, il a été escroqué plusieurs fois, mais il n'a jamais été traître. D'ailleurs, pourquoi la France a-t-elle oublié un champion olympique de cette trempe s'il avait renié sa patrie et supporté la France. Victime de conflits et conspiration, Bouguerra a payé très cher ses qualités de champion arabe. El Ouafi Bouguerra est mort dans des circonstances obscures, mais il n'a jamais renié sa patrie comme beaucoup le prétendent. Il a été furtivement enterré au cimetière musulman de Bobigny et disparut définitivement de la mémoire du sport français. Djamel O. Buster Crabbe Du roi des bassins au roi de la jungle l Son titre olympique en 1932 à Los Angeles a bouleversé la vie de Buster Crabbe: repéré par Hollywood, il fera carrière au cinéma sous les traits de Tarzan, Flash Gordon et d'autres héros de séries B. Le 10 août 1932, Crabbe a décroché le gros lot : il est devenu champion olympique du 400 m nage libre. «Ce titre a changé ma vie. Les producteurs d'Hollywood m'ont soudain découvert des talents d'acteur», ironisait-il en 1977, six ans avant sa mort à l'âge de 75 ans. Comme avant lui, Johnny Weissmuller, quintuple champion olympique de natation devenu emblématique interprète de Tarzan, Crabbe a tapé dans l'œil des producteurs d'Hollywood. Sa médaille d'or accélère sa carrière à Hollywood. Il est d'abord le héros en 1933 du "Roi de la Jungle", où il incarne Kaspa l'homme-Lion. Il succède ensuite à Weissmuller, en fin de course et usé physiquement, dans le rôle de Tarzan, pour un seul opus, puis enchaîne les films et westerns de séries B, ces productions à petit budget au scénario aussi léger que leurs décors en carton-pâte, où il se fait un nom, à défaut d'une fortune. Installé sur les bords de Lake Arrowhead, dans les montagnes de San Bernardino, non loin de Los Angeles, il nage chaque jour dans les eaux froides du lac, par tous les temps et jusque tard dans sa vie. Sa seule passion, bien plus que le cinéma. R. S. Pal Schmitt Fine lame et président de la République l Il est passé des sommets du sport à ceux de la politique, du couronnement olympique à la présidence de la République, mais l'atterrissage de l'ancien escrimeur hongrois, Pal Schmitt, a été brutal après une piteuse affaire de plagiat. Double champion olympique d'épée par équipe (1968 et 1972), entrée en politique sous le régime communiste via le Comité olympique national avant un ralliement au Fidesz, le parti de Viktor Orban, fondé en opposition au Parti communiste. C'est bien sa proximité avec le dirigeant du Fidesz Viktor Orban, devenu Premier ministre en 2010, qui a déterminé sa nomination à la tête de l'Etat la même année, le quatrième président de la Hongrie post-communiste. Et les ennuis ont véritablement commencé. Après les critiques des opposants en signant docilement les dizaines de lois adoptées par le Parlement hongrois. Il a validé une nouvelle Constitution très controversée. Puis est arrivée l'affaire du plagiat : en janvier 2012, un hebdomadaire hongrois a révélé que sa thèse de doctorat, obtenue en 1992 avait largement utilisé des passages d'un livre publié par un chercheur bulgare. Sur 215 pages du texte sur les Jeux olympiques qui avait valu à l'ancien sportif le titre de docteur avec les félicitations du jury, au moins 180 avaient été "en grande partie" recopiées. Il avait fini par démissionner en avril "dans l'intérêt de la Hongrie et de l'unité nationale". R. S. . John Akii-Bua Pris au piège de la folie meurtrière d'Idi Amin Dada l Membre de l'ethnie des Langi, Akii-Bua est né en 1949 dans le nord de l'Ouganda. Son père, un chef de district, avait huit femmes et 43 enfants. Il est recruté par la police, qui le révèle à l'athlétisme. En 1968, il échoue à se qualifier pour les JO de Mexico sur 110 m haies. Il passe alors au 400 m haies. L'année 1972 est seulement sa deuxième saison sur cette distance exigeante. Il hérite du couloir n°1 lors de la finale, mais cela ne l'empêche pas de réussir la course parfaite. Il relègue à près de 10 mètres le tenant du titre, David Hemery, et améliore de 3/10e (47 sec 82) le record du monde de l'Anglais. Il est le premier homme à descendre sous les 48 secondes et le premier Africain sacré champion olympique sur une distance inférieure au 800 m. Son record tiendra jusqu'en juillet 1976 et l'émergence de l'Américain Edwin Moses (47.63). Akii-Bua est accueilli en héros en Ouganda, où Idi Amin Dada, ancien chef d'état-major de l'armée, a pris le pouvoir en 1971 en renversant Milton Obote. Mais Amin Dada organise le massacre des Langi et des Acholi, les deux ethnies que les Britanniques avaient favorisées dans la police et l'armée. Akii-Bua perd beaucoup d'amis et trois de ses frères dans la répression. Seule sa notoriété le maintient en vie. Le 2 avril 1979, il fuit au Kenya avec sa femme et ses trois enfants. Il reste pendant des semaines dans un camp de réfugiés, jusqu'à ce qu'une équipe de journalistes étrangers tombe sur lui par hasard. Il obtient l'asile en Allemagne. En 1983, il retourne dans son pays et en 1997 il meurt, deux ans après sa femme. R. S. Fred Kelly De l'or olympique aux tranchées de la Somme l Survivant de la sanglante campagne de Gallipoli, en 1915, Fred Kelly n'a pas survécu aux tranchées de la Somme : huit ans après son titre olympique de 1908 à Londres, sous le drapeau britannique, ce rameur et pianiste australien était fauché par les balles allemandes. Après son triomphe sportif, Kelly était devenu compositeur de renom, puis pianiste de concert, et enfin soldat décoré. Après avoir survécu à la sanglante campagne de Gallipoli, ou bataille des Dardanelles, qui opposa les Australiens et Néo-Zélandais à l'armée ottomane. Mais l'assaut contre un nid de mitrailleuse allemande lui fut fatal, à l'âge de 35 ans, le 13 novembre 1916, à Beaucourt-sur-l'Ancre. C'est presque par accident qu'il participe aux JO. Quelques mois avant, il avait lu dans un journal qu'un de ses anciens rivaux serait de la partie, et il se démena pour figurer parmi les huit sélectionnés pour représenter la Grande-Bretagne. Après sa victoire en finale des JO 1908, face à la Belgique, Kelly ne rama pourtant plus jamais en compétition, préférant se consacrer à la musique. Lorsque éclaté la Première guerre mondiale, Kelly s'engage. Le musicien sert ensuite dans les rangs britanniques à Gallipoli. Blessé deux fois, il est décoré de la "Distinguished service Cross" pour "bravoure remarquable". Déployé ensuite dans la Somme, il décrit dans son journal les attaques au gaz et les villages en ruines, et raconte la désolation de la vie dans des tranchées "ignobles et boueuses".