Décision n Les autorités électorales vénézuéliennes ont reporté sine die, jeudi, la collecte, prévue la semaine prochaine, des signatures nécessaires pour organiser un référendum révocatoire contre le président Nicolas Maduro. Le Conseil national électoral (CNE) «respecte les mesures ordonnées par les tribunaux et instruction a été donnée de reporter le processus de collecte (des signatures) jusqu'à ce que de nouvelles instructions soient délivrées par la justice», a-t-il annoncé. L'opposition, regroupée autour de la Table pour l'unité démocratique (MUD), majoritaire au Parlement, devait, les 26, 27 et 28 octobre, réussir à regrouper quatre millions de signatures, soit 20% de l'électorat, pour que soit organisé ce référendum. Mais des tribunaux locaux dans au moins cinq Etats fédérés ont annulé une première collecte de paraphes représentant 1% de l'électorat réalisé en juin, qui est l'une des conditions pour passer à la seconde étape, la collecte de signatures de 20% de l'électorat. D'après le CNE, les tribunaux ont évoqué des «fraudes», notamment dans le décompte des signatures. Ces annulations ont «pour conséquence la suspension, jusqu'à nouvel ordre, du processus de collecte de 20%» de l'électorat, explique encore le CNE. Fin juin, au moins 200 000 signataires (soit 1% de l'électorat) devaient se rendre dans l'un des 128 points de validation habi-lités par le CNE et y apposer leur empreinte digitale, afin de valider leur soutien au référendum. Après plus d'un mois d'audit, l'organisme avait donné son feu vert à la première étape : 399 412 signatures avaient été validées, soit le double du minimum demandé. Le CNE avait prévenu que si le seuil de 1% n'était pas atteint dans un des 24 Etats du Venezuela, l'ensemble du processus serait invalidé. L'annulation de la collecte du mois de juin a donc mis en péril l'ensemble du processus. L'opposition à Nicolas Maduro accuse les autorités électorales de jouer le jeu du Président. Quelques heures après l'annonce des autorités électorales, la MUD a annoncé qu'elle ferait part vendredi ( hier) des «alternatives» qu'elle envisage pour continuer son «combat» contre le chef de l'Etat, élu en 2013 après la mort de son prédécesseur Hugo Chavez. L'opposition «étudie» sa réponse et tente de trouver un «consensus avec tous les secteurs», a expliqué Jesus Torrealba, porte-parole de la MUD, sur Twitter, promettant une réponse «implacable et sereine». Le gouvernement, a-t-il encore assuré, «ne pourra pas reporter le changement que le pays réclame». Le spectre de la violence l Une autre décision de la justice jeudi a porté un coup à l'opposition, avec l'interdiction de sortie du territoire qui pèse désormais sur huit opposants, dont Henrique Capriles et Jesus Torrealba, secrétaire exécutif de la MUD. Jusqu'à présent, la stratégie des antichavistes a été d'organiser manifestation sur manifestation, alors que la population se décourage et craint des débordements violents. «La suspension du référendum augmente les risques de manifestations de déstabilisation au Venezuela», qui peuvent «dégénérer en violence» et entraîner une répression militaire, prévient Diego Moya-Ocampos, analyste du cabinet britannique IHS. Le pays sud-américain a sombré dans une profonde crise politique, avec des affrontements incessants entre gouvernement et opposition. La MUD accuse M. Maduro d'être responsable du naufrage économique de ce pays pétrolier asphyxié par la chute des cours du brut, son unique richesse -il possède les plus importantes réserves au monde et tire 96% de ses devises du brut. Record d'impopularité l Pour la MUD, M. Maduro est responsable de la crise économique dans ce pays pétrolier, asphy-xié par la chute des cours du brut, dont il est fortement dépendant. Le pays sud-américain a sombré aussi dans une profonde crise politique, avec des affrontements incessants entre gouvernement et opposition. L'impopularité du président vénézuélien, dont le mandat expire en 2019, atteint des niveaux record. D'après un sondage de l'institut Datanalisis, 76,5% des Vénézuéliens désapprouvent son action et 62,3% d'entre eux se disent prêts à voter pour sa révocation. Les Vénézuéliens sont confrontés à des files d'attente interminables dans des magasins de plus en plus vides, à une inflation estimée à 720% cette année par le FMI et une criminalité parmi les plus élevées au monde. Appel à des manifestations Réaction n L'opposition vénézuélienne, furieuse du gel du processus référendaire contre l'impopulaire président Nicolas Maduro, a appelé les Vénézuéliens à manifester dans tout le pays pour dénoncer le «coup d'Etat» perpétré, selon elle, par le gouvernement. «Il y a eu un coup d'Etat au Venezuela, on ne peut pas appeler cela autrement. L'heure est venue de défendre la Constitution de la République bolivarienne du Venezuela», a lancé, hier, hors de lui, Henrique Capriles, farouche opposant à M. Maduro et figure de la Table pour l'unité démocratique (MUD) de centre droit. L'opposition, a-t-il précisé, va organiser demain, dimanche, une «séance extraordinaire de l'Assemblée nationale où des décisions seront prises». Dans la journée, Lilian Tintori, épouse d'une figure de l'opposition de centre droit, Leopoldo Lopez, actuellement emprisonné, avait appelé à manifester aujourd'hui. Un appel repris par Henrique Capriles, qui a fixé à mercredi une «mobilisation dans tout le pays». Devançant ces appels, des centaines d'étudiants sont descendus, hier, dans les rues de Caracas, appelant à la révocation du président. Depuis le Moyen-Orient où il est en déplacement, M. Maduro n'a pas directement évoqué le référendum à la télévision d'Etat vénézuélienne, mais il a demandé à ce que «personne ne perde la tête». Pour tenter une médiation, l'ancien Premier ministre espagnol, José Luis Rodriguez Zapatero, se réunira ce week-end séparément avec des délégués du gouvernement et de l'opposition, selon le vice-président Aristobulo Isturiz. La collecte de signatures d'électeurs était la dernière étape pour la Table pour l'unité démocratique, majoritaire au Parlement, avant de pouvoir organiser un référendum révocatoire contre le chef de l'Etat socialiste. Il fallait pour cela, les 26, 27 et 28 octobre, réunir quatre millions de signatures, soit 20% de l'électorat, après une première étape où il avait déjà fallu en rassembler 1%. S'exprimant hier aux côtés d'Henrique Capriles, Henry Ramos Alup, président du Parlement, a annoncé que des représentants de l'opposition iraient au siège de l'Organisation des Etats américains (OEA) à Washington prochainement pour demander au secrétaire général de l'organisation, Luis Almagro, qu'il applique la Charte démocratique de l'OEA. Ce texte autorise l'organisation à intervenir diplomatiquement contre l'un de ses Etats membres s'il est considéré qu'une crise constitutionnelle y menace la démocratie. Neuf mois de crise Situation n En neuf mois, le Venezuela a sombré dans une profonde crise économique et politique, liée à la chute des cours du pétrole et aux affrontements incessants entre gouvernement et opposition. Chronologie : - 5 janvier 2016 : prise de fonction des députés élus en décembre 2015. L'opposition dispose de la majorité au Parlement pour la première fois depuis 16 ans. - 15 janvier : face à une situation «catastrophique» de pénuries, le président Nicolas Maduro décrète l'état d'«urgence économique» qui prévoit, notamment, le recours par le gouvernement aux entreprises privées pour «garantir l'accès» aux biens de première nécessité. Il sera régulièrement prolongé. - 8 mars : l'opposition lance un référendum révocatoire. Pour faire partir Maduro, il doit avoir lieu avant le 10 janvier 2017, afin de provoquer des élections anticipées en cas de révocation. Mais le processus est long et complexe et chaque étape doit être validée par l'autorité électorale (CNE), accusée par l'opposition d'être contrôlée par le gouvernement. - 26 avril : le CNE autorise l'opposition à rassembler des signatures pour déclencher la procédure de référendum révocatoire. Un minimum de 195.000 signatures (1% de l'électorat) est requis. - 3 mai : l'opposition remet aux autorités électorales 1,85 million de signatures en faveur du référendum. - 14 mai : Maduro décrète l'état d'exception, faisant état de «menaces extérieures» et annonce sa prolongation probable jusqu'en 2017. - 8 juin : les autorités électorales valident 1,3 million de signatures pro-référendum, ouvrant la voie à une nouvelle étape du processus. Au moins 200.000 signataires doivent confirmer leur choix en personne dans des centres habilités par le CNE. - 10 juillet : des milliers de personnes résidant dans la zone frontalière avec la Colombie franchissent la frontière à pied afin d'acheter des vivres et des médicaments. Les Vénézuéliens sont confrontés à des files d'attente interminables dans des magasins de plus en plus vides, à une inflation estimée à 720% par le FMI et une criminalité parmi les élevées au monde. - 1er août : le CNE valide 399.412 signatures confirmées en juin. L'ultime étape avant le référendum, c'est-à-dire la collecte de quatre millions de signatures en trois jours, n'aura lieu au mieux que fin octobre. - 1er septembre : des centaines de milliers de partisans de l'opposition descendent dans la rue pour hâter le référendum au cours de la plus grande mobilisation de ces deux dernières années. - 14 septembre : les pays fondateurs du Mercosur (Argentine, Brésil, Paraguay et Uruguay) refusent que le Venezuela assume la présidence tournante de ce marché commun et le menacent de suspension. - 22 septembre : le CNE annonce que le référendum n'aura pas lieu avant janvier 2017, faisant fondre les espoirs de l'opposition de voir le président quitter le pouvoir. - 21 octobre : les autorités électorales reportent sine die la collecte des signatures nécessaires pour organiser le référendum. La justice interdit à huit dirigeants de l'opposition de quitter le pays.