Portrait n Ismael Diabaté est plasticien malien. C'est un artiste reconnu à l'échelle internationale. Son art, il va le puiser dans sa culture ancestrale et, à l'aide de formes modernes, il lui confère une expressivité contemporaine, innovante. «Je travaille sur une forme d'écriture particulière propre à la culture malienne», explique-t-il, et d'ajouter : «La technique que j'utilise est une technique qui a été inventée par des femmes au Mali». elle leur permet de communiquer. Cette écriture s'appelle le Bogolan. Et qui veut dire «le tissu qui a été fait avec la terre». C'est une technique simple : de l'eau, de la terre, le tout mélanger jusqu'à en créer une certaine «encre». Ismael Diabaté explique, en outre, que «c'est une technique artisanale des femmes maliennes de la tribu des Bambaras dont la langue est la plus répandue en Afrique de l'Ouest. Pour arriver à ce rendu en peinture, on récupère la terre du fleuve Niger et des écorces d'un arbre appelé angaloma que l'on pile ou que l'on fait bouillir, ce qui donne cette couleur sombre due à la terre». Et de renchérir : «Pour ma part, par cette technique, j'ai cherché ma voie et je trouve une spontanéité dans les figures et les personnages qui ne sont pas similaires.» Notons que le Bogolan s'utilisait par les femmes qui dessinaient leurs habits traditionnels. A ce propos, le plasticien dira : «Cette forme d'écriture a été inventée par les femmes. Elle comprend des motifs de communication pour exprimer un certain nombre de chose. L'ensemble du motif constitue un pagne, et généralement le tissu est confectionné pour le trousseau de la jeune fille. Puis à la fin des années 1970, des artistes comme moi, se sont intéressés à cette écriture là, et nous l'avons, avec tout ce que nous avons appris, amplifiée davantage. Cela a donné des créations.» L'artiste souligne que les artistes, aujourd'hui, innovent dans cette écriture. «Beaucoup d'artistes se sont investis dans cette écriture et chacun a créé son propre style, développant son propre imaginaire et forgeant sa propre sensibilité, donc sa propre identité artistique», dit-il. Par ailleurs, Ismael Diabaté, qui a su faire de cet art ancestral une peinture qui s'exporte et qui témoigne de l'art des femmes, précise : «Je n'utilise pas cette écriture pour les mêmes raisons que les femmes. Je l'utilise avec les signes sacrés de bambara qui sont trait à la création de l'univers, cela me permet de communiquer la cosmogonie africaine. Cette forme d'écriture est une réflexion sur la cosmogonie africaine.» Et à propos du Bogolan qui est une nomenclature de signes, d'idéogrammes et autres lettres exprimant la cosmogonie bambara en vue de plaider pour les valeurs fondamentales des sociétés traditionnelles, Ismael Diabaté, qui est toujours en quête de découvertes et de recherches en art pictural, raconte : «La légende dit : la femme a découvert la technique un peu par hasard, parce son mari était un chasseur, et quand il a été à la chasse il a blessé l'animal, qui l'a poursuivi à travers la brousse et en traversant une marre, une boue s'est collé au pantalon du chasseur. En rentrant à la maison, sa femme a voulu la lui enlever en lavant son pantalon et là elle a constaté qu'il y avait une tâche noir qui ne voulait pas partir. Dans la mesure où dans une culture sans écriture, la plupart des dessins, des signes et autres symboles ont été inventé pour essayer de communiquer toujours quelque chose.» Force est de constater que la technique de Bogolan est limitée dans la palette. A ce sujet, il avoue : «On est limité en effet dans la coloration, la terre ne donne que du noir mais pour moi, c'est un défi de peindre avec des tons restreints.» Et s'exprimant sur l'intérêt du Bogolan, le plasticien dira : «Cette technique est de préserver et de sauvegarder ce fonds culturel ancestral qui fait l'identité et constitue la mémoire des Bambaras. Ce legs culturel puisé de la culture des sociétés traditionnelles est à vivifier et à transmettre pour la conservation de ce patrimoine. » Ismael Diabaté, qui vit de son art, compte de nombreuses expositions aussi bien au Mali qu'à l'étranger notamment en France, Espagne, Algérie et aux USA.