Confrontation n Face à une droite française en ordre de marche pour la présidentielle de 2017 et à une extrême droite prête à en découdre, la gauche tentait hier d'éviter l'éclatement après un pic de tension entre le président François Hollande et son Premier ministre. L'ancien Premier ministre François Fillon a été désigné dimanche candidat de la droite avec 66,5% des suffrages de la primaire organisée par son camp, un score qui lui permet d'agir sans contestation interne. Au même moment, le chef du gouvernement Manuel Valls jetait un pavé dans la mare en laissant entendre qu'il se tenait «prêt» à briguer l'investiture socialiste, sans attendre la décision du président sortant qui n'a toujours pas dit s'il comptait briguer un second mandat. Dans l'avion qui l'emmenait en Tunisie pour une visite officielle lundi, le chef du gouvernement a cependant laissé filtrer par son entourage la teneur d'un déjeuner au palais présidentiel de l'Elysée avec le chef de l'Etat. Puis à son arrivée, Manuel Valls a confirmé en personne qu'il ne pouvait y avoir «aucune confrontation au sein d'une primaire entre le Président de la République et le Premier ministre». «Il est hors de question qu'il y ait la moindre crise institutionnelle» au sommet de l'Etat, a-t-il ajouté lors d'un point-presse avec son homologue tunisien Youssef Chahed, décrivant un déjeuner à l'Elysée dans «un climat serein, de confiance». M. Valls a ainsi laissé comprendre qu'il écartait toute démission de son poste de Premier ministre, surtout au «moment précis où la France fait face à la menace terroriste». Il a de ce fait désamorcé, au moins provisoirement, la bombe qu'il avait lui-même lâchée au cours du week-end, n'excluant pas de se présenter contre le chef de l'Etat dans la primaire organisée par le parti socialiste les 22 et 29 janvier, dans une interview au Journal du Dimanche. Soucieux de maîtriser son calendrier, François Hollande s'est donné jusqu'au 15 décembre pour dévoiler ses intentions mais ses proches ne doutent pas de son désir de se lancer dans la course. La gauche est condamnée au rassemblement si elle veut faire mentir les sondages qui annoncent un second tour de la présidentielle entre une droite portée par le succès de sa primaire et une extrême droite remontée à bloc par la poussée populiste en Europe et aux Etats-Unis. L'ambiance délétère à gauche offre un contraste frappant avec l'enthousiasme qui se manifeste dans le camp de la droite, dont la primaire a rassemblé plus de 4 millions d'électeurs les 20 et 27 novembre. Longtemps à la traîne dans les sondages, parfois raillé en «Mister nobody», François Fillon, ex-Premier ministre de Nicolas Sarkozy (2007-2012), a écrasé dimanche son rival Alain Juppé lors du second tour de scrutin. Une victoire claire et nette pour ce conservateur au calme imperturbable, qui avait déjà réussi à éliminer l'ancien président Sarkozy au premier tour. R. I. / Agences l Investi sur un programme très libéral en économie (500 000 suppressions d'emplois publics, augmentation du temps de travail) et conservateur sur les sujets de société (il est hostile à l'adoption plénière pour les couples homosexuels), François Fillon s'affiche désormais en position de force, à cinq mois de la présidentielle. A ce stade, tous les sondeurs prédisent une élimination de la gauche au premier tour de la présidentielle, et un face à face final entre François Fillon et la candidate d'extrême droite, Marine Le Pen. Mais s'il veut battre cette dernière, le représentant de la droite va devoir séduire des électeurs du centre, voire de la gauche, estiment des experts. Son programme «devrait bouger un petit peu pour être plus rassembleur, moins clivant, notamment sur les aspects socio-économique», estime le politologue Jean-Yves Camus. «Jamais la droite et la gauche n'auront paru autant aux antipodes», soulignait lundi le quotidien économique Les Echos. «La droite est en route pour l'alternance. (...) La gauche prend le chemin exactement inverse et court vers l'explosion».