Les électeurs ont commencé à voter hier en France pour désigner le candidat de la droite et du centre pour l'élection présidentielle de 2017. François Fillon fait figure de favori face à Alain Juppé pour le second tour de cette primaire. L'ancien Premier ministre de Nicolas Sarkozy, arrivé à la surprise générale en tête du scrutin la semaine dernière avec 44,1% des voix, a voté vers 10h30 dans un bureau du 7e arrondissement de Paris. "J'attends le verdict des électeurs, ce sont eux qui parlent, pas le candidat", a-t-il dit aux journalistes présents, refusant de faire davantage de commentaires. Quasiment au même moment à Bordeaux, son adversaire, décroché malgré lui après avoir recueilli 28,6% des voix au premier tour, disait n'avoir aucun regret tout en dénonçant une nouvelle fois une "campagne dégueulasse" menée à son égard. "C'est ignoble de se faire traiter d'antisémite et de salafiste", a dit Alain Juppé, dans une allusion aux attaques lancées contre lui ces derniers mois notamment sur les réseaux sociaux et certains sites liés à la "fachosphère". A la question de savoir s'il avait des regrets, l'ancien Premier ministre a répondu: "non, je n'ai pas de regrets, j'ai fait une belle campagne, j'ai défendu mes idées jusqu'au bout et ça va marcher (...) attendons ce soir". Les quelque 10'000 bureaux de vote fermeront leurs portes à 19h00, une semaine après un premier tour marqué par une forte participation qui a vu se déplacer près de 4,3 millions de personnes, un chiffre supérieur à celui enregistré au même stade par la primaire de la gauche en 2011 (2,7 millions). Cette consultation inédite dans l'histoire de la droite française est d'ores et déjà saluée comme une "réussite démocratique" par le président par intérim du parti Les Républicains (LR) Laurent Wauquiez. "Le candidat qui sera élu aura une lourde responsabilité: celle de réussir l'unité", souligne-t-il dans les colonnes du Journal du Dimanche. "Il faudra faire des gestes: à l'égard de son adversaire du second tour et à l'égard des électeurs qui ont soutenu Nicolas Sarkozy". éliminé au premier tour du scrutin avec 20,7% des voix, l'ancien chef de l'Etat a apporté son soutien à son ancien Premier ministre François Fillon. Le député de Paris peut également compter sur le soutien de Bruno Le Maire (2,4%) et de Jean-Frédéric Poisson (1,5%). Le maire de Bordeaux, a lui reçu dans l'entre-deux tours le soutien de Nathalie Kosciusko-Morizet (2,6%) et de Jean-François Copé (0,3%). Dans un sondage Opinion way publié vendredi, François Fillon est crédité de 61% des intentions de vote contre 39% pour Alain Juppé. Les premiers résultats devaient être publiés à partir de 20h30 par la Haute autorité de la primaire. Mobilisation de la gauche? Au premier tour, 15% de sympathisants de gauche, selon un sondage Elabe, avaient participé à la primaire de la droite et du centre, notamment pour faire barrage à Nicolas Sarkozy. Ces derniers jours, cette frange de l'électorat semblait toutefois diverger sur la méthode à suivre ce dimanche, laissant planer le doute sur une nouvelle mobilisation. Les réformes des deux finalistes Les finalistes de la primaire de la droite française François Fillon et Alain Juppé prônent tous deux une cure économique sévère. Ils divergent en revanche sur le degré de libéralisme économique, la politique étrangère et leur vision de la société. Les deux candidats s'engagent à réformer le temps de travail et à repousser l'âge du départ à la retraite, à 65 ans contre 62 ans actuellement. François Fillon, qui se veut plus réformiste, promet d'en finir très rapidement avec la durée légale du travail de 35 heures hebdomadaires. Il prévoit un retour aux 39 heures pour les fonctionnaires et entend laisser à la négociation la durée du temps de travail dans les entreprises. Alain Juppé parle d'un retour aux 39 heures dans le privé et juge impossible de "demander à des fonctionnaires de travailler plus pour gagner moins". M. Fillon entend aussi supprimer 500'000 postes de fonctionnaires, contre 250'000 pour M. Juppé. Il chiffre les économies possibles dans les dépenses publiques à 100 milliards d'euros en cinq ans. Question santé, Fillon veut concentrer les remboursements du système public d'assurance-maladie sur "les affections graves et de longue durée". Le reste incombe aux assurances privées. Ils s'engagent tous deux à supprimer l'impôt sur la fortune (ISF), à réduire la fiscalité des entreprises, à rétablir des aides pour les familles aisées et à augmenter la taxe sur la valeur ajoutée (d'un point pour Alain Juppé, du double pour son adversaire). François Fillon, accusé de proximité avec Vladimir Poutine, entend "renouer une relation franche et solide" avec les états-Unis, mais aussi avec Moscou. Il voit en eux un allié face à la menace représentée par le groupe état islamique. Il soutient l'idée d'une association avec le régime de Bachar al-Assad pour régler la question syrienne. Pas de retour à la paix avec Al-Assad Juppé, de son côté, est plus critique vis-à-vis de Moscou et estime qu'"il n'y aura pas de retour à la paix en Syrie avec Bachar al-Assad au pouvoir". Concernant l'UE, Alain Juppé veut redéfinir les règles entre les pays membres et Bruxelles et renforcer les contrôles aux frontières. François Fillon propose pour sa part de mettre un gouvernement à la tête de l'UE. François Fillon compte "rétablir l'autorité de l'état" en accordant 12 milliards d'euros supplémentaires à la police et la justice. Il veut empêcher le retour en France des djihadistes partis combattre à l'étranger et leur retirer la nationalité française, tout en expulsant les étrangers "appartenant à la mouvance terroriste". Alain Juppé, lui, veut "réarmer l'état" avec 10'000 policiers et gendarmes supplémentaires sur le terrain, "expulser les condamnés étrangers radicalisés" et assigner à résidence les individus radicalisés et jugés dangereux. La mise en place de quotas pour l'immigration, jugée trop importante, est inscrite dans les deux programmes. Alain Juppé y ajoute un durcissement des conditions d'obtention de la nationalité française, quand François Fillon veut limiter l'accès des étrangers aux prestations sociales. "L'identité de la France, c'est d'abord la diversité" Quand Alain Juppé estime que "l'identité de la France, c'est d'abord la diversité", François Fillon réfute l'idée d'un pays multiculturel. "Je veux que les étrangers qui viennent s'installer dans notre pays s'intègrent, s'assimilent, respectent l'héritage culturel qui est le nôtre", dit-il. Sur l'islam, sujet récurrent de crispation en France, Alain Juppé propose un code rassemblant des "valeurs non négociables" et "un pacte avec les musulmans" portant sur le financement des lieux de culte et la formation des imams. François Fillon considère qu'"il y a un problème lié à l'islam" et "une montée de l'intégrisme musulman dans la société française". La gauche doit dépasser ses divisions Manuel Valls appelle une nouvelle fois la gauche à dépasser ses divisions intestines, lors d'un entretien dans le Journal du Dimanche. Et ce, pour éviter une élimination dès le premier tour de la présidentielle de 2017, voire une disparition pure et simple. "Nous pouvons être pulvérisés au soir du premier tour", rappelle le Premier ministre. Et "la gauche peut mourir", ajoute-t-il dans cette interview publiée le jour du second tour de la primaire de la droite qui voit s'affronter François Fillon et Alain Juppé. Alors qu'"une France plus dure, plus injuste" se prépare "quel que soit le candidat" que désignera la droite, Manuel Valls refuse de laisser à l'extrême droite le monopole de l'opposition à son programme. "Je demande à tous les progressistes, à la gauche réformiste et à toute la gauche, de se ressaisir", ajoute-t-il. Ce nouveau message de main tendue du Premier ministre "à tous les électeurs de la gauche" est notamment adressé à son ancien ministre de l'Economie Emmanuel Macron, qui a décidé de se lancer dans la course à l'Elysée sans passer par la case primaire. Mais il s'adresse aussi "à tous les responsables de la gauche" et "à ceux qui ont participé au gouvernement de la France depuis 2012 mais aussi avant, avec Lionel Jospin". Les propos du Premier ministre sont publiés au lendemain de l'annonce d'une candidature directe à la présidentielle de Sylvia Pinel, la présidente du Parti radical de gauche, partenaire du PS depuis le début du quinquennat de François Hollande. Quant au Parti communiste français, qui avait participé à la "majorité plurielle" incarnée par le gouvernement Jospin, il a choisi samedi de soutenir la candidature de l'ex-socialiste Jean-Luc Mélenchon. Le Premier ministre, qui semble se préparer de plus en plus à constituer un recours au cas où François Hollande, très bas dans les sondages d'opinion, renoncerait à briguer un nouveau mandat, déclare une nouvelle fois être prêt au face-à-face contre la droite. "Je m'y prépare, j'y suis prêt", indique-t-il dans les colonnes du journal dominical. Les dernières semaines ont été marquées par une multiplication des tensions larvées entre le chef de l'Etat, qui devrait dissiper le mystère sur ses intentions pour 2017 dans les prochains jours, et le Premier ministre, qui a pris ses distances depuis la publication du livre controversé de confidences "Un Président ne devrait pas dire ça...".