Imaginaire n «La roqya de Cervantès» est un roman écrit par Ahmed Benzelikha et paru aux éditions Alpha, dans lequel l'écrivain réinvente le mythe de Miguel de Cervantès. Le roman raconte l'histoire d'un homme tourmenté par le fantôme d'un écrivain célèbre, qui n'est autre que le mythique Miguel de Cervantès. Depuis quelque temps, Braham voit son père lui venir en rêve et lui exhorter d'apprendre l'espagnol. Il voit aussi dans ses rêves Cervantès. Ses rêves affectent de plus en plus sa vie. Il va donc consulter un psy, mais rien n'y fait. C'est alors qu'il accepte de voir un raqi (un exorciste). Et à sa grande surprise, l'exorciste découvre que Cervantès a pris possession de Braham. Interrogé sur ce qui l'a inspiré à écrire le roman, Ahmed Benzelikha répond : «L'inspiration est une chose difficile à motiver ou même à expliquer, elle relève souvent d'une sorte d'alchimie particulière propre à la créativité littéraire. Toutefois on peut tenter, quoiqu'a posteriori, de dégager des éléments de motivation. Je crois que deux ou trois choses m'ont poussé à écrire ce roman. D'abord la portée humaniste, que recèle pour moi, toute entreprise littéraire portée, à mes yeux, à témoigner et à participer de l'éternel humain. Ensuite mon intérêt pour l'Espagne et sa civilisation, loin des clichés ‘andalousiques', qui, souvent, masquent, pour nous, la riche diversité culturelle de ce pays, auquel j'ai déjà consacré mon précédent roman «La Fontaine de Sidi-Hassan», à travers son héros le peintre espagnol fictif Delbrezecque. Enfin mon admiration pour cette grande figure de la littérature universelle qu'est Miguel de Cervantès et pour son personnage Don Quichotte.» Force est de constater que le roman est une histoire de possession, que le personnage de Braham est habité par Cervantès. D'où la question : Pourquoi avez-vous choisi cette démarche ? A cela, l'auteur explique : «En fait, le personnage est surtout possédé par l'écriture, par la littérature. Le fantôme de Cervantès ne hante pas les vieux manoirs et n'a rien de diabolique, il ne fait qu'écrire ! C'est une possession bien singulière. L'histoire de la possession elle-même est particulière puisqu'elle passe par une demande d'apprentissage de la langue espagnole, légitimée par le fait qu'elle soit revendiquée par le défunt père du héros. S'ajoute à cela une possession toponymique, puisque Braham le héros, dont le nom évoque, peut être, le père des religions monothéistes est possédé par l'esprit littéraire dans la Grotte de Cervantès à Alger. La grotte renvoie aussi, dans mon roman, aux Dormants d'Ephèse-Ahl el Kahf et à l'allégorie, connue, que développe Platon. Ainsi entre le sommeil de Braham, qui accède au Barzach et le discours sur l'illusion et la réalité que développent l'esprit de Cervantès et l'exorciste Rezki dans leur dialogue, la possession n'est pas celle qu'on croit et d'ailleurs, même si le Diable fait une incursion dans le roman, il finit par s'éclipser car le concept de Lumière sauve en fin de compte et le héros et son fantôme. Un héros d'ailleurs «fantomatique» puisque nous ne le voyons vivre qu'à travers le personnage de Cervantès... tout comme Alonso Quijano vivait à travers Don Quichotte et Cervantès lui-même, en tant que narrateur, à travers ce dernier.» C'est dire ainsi que, suivant le raisonnement de l'écrivain, «la possession est tout un jeu de miroirs, comme s'en explique le narrateur à la fin du roman». Avec ce roman, «La roqya de Cervantès», l'écrivain, Ahmed Benzelikha, dit dans une écriture simple mais ô combien savoureuse beaucoup de choses, suscitant des curiosités et donnant du plaisir à ses lecteurs, titillant la sensibilité de chacun et le fait rêver. Yacine Idjer Théâtre / «Nafida» Une lueur d'espoir pour la paix en Syrie Scène n Le public oranais a découvert, hier soir à la salle Saâda (ex-Colisée), un échantillon du théâtre syrien avec la pièce «Nafida» (la fenêtre), qui met en relief les effets de la guerre, psychologiques notamment, sur la vie des Syriens et l'espoir dun retour à la paix. «Nafida» participe à la 9e édition du Festival du théâtre arabe qui se déroule du 10 au 19 janvier à Oran et à Mostaganem et dédiée à Azzedine Medjoubi et figure dans la catégorie «off» du festival. Elle n'entre donc pas dans la compétition pour le prix Soltane Ben Mohamed al-Qassimi. La pièce, qui a été retardée d'une heure en raison du match Algérie-Zimbabwe, est adaptée de l'œuvre de l'écrivain polonais Ireneusz Iredynski (1939-1958) et mise scène par Majd Fedha. Les deux personnages de la pièce sont incarnés par Jafra Younis dans le rôle de l'épouse, et Mazen al-Jebba dans le rôle de l'époux. La pièce donne un éclairage sur la vie d'un couple syrien qui plonge peu à peu dans la décadence. L'homme, pendant sept jours, attend patiemment, des heures durant, devant sa fenêtre, guettant une lumière provenant de la fenêtre de ses voisins d'en face, sans se lasser et sans sourciller, armé d'une patience à toute épreuve. La femme, quant à elle, insiste pour connaître les raisons de cette longue et hypothétique attente. Collé à sa fenêtre, l'homme attend inlassablement cette lumière sans se soucier de ce qui se passe autour de lui, ni de son entourage, particulièrement sa femme, au grand dam de cette dernière. Négligée et dans l'expectative, la femme ronge son frein, mais elle est assaillie par les questions et les doutes sur le comportement étrange de son mari, craignant même une éventuelle relation de son mari avec une autre femme. S'installe alors un dialogue entre l'homme et son épouse, un dialogue rude, à la limite de la dispute, où le ton monte de plusieurs crans, puis fait place au silence, de longs moments de silence. Le calme et la tempête se succèdent. Les relations dans le couple n'ont pas tenu trop longtemps, la vie conjugale a du plomb dans l'aile. La femme n'arrive pas à accepter le changement brusque dans l'attitude de son mari et ce dernier ne semble pas s'en offusquer. Le couple semble prisonnier dans l'espace étroit dans lequel il se trouve confiné, devant la fenêtre, en raison de l'obsession quasi maladive de l'homme. Mais celui-ci attend, en fait, une lueur d'espoir dans l'obscurité qui l'entoure et semble ne pas comprendre l'impatience de sa femme qui essaie par tous les moyens de le faire «revenir» dans la réalité et l'empêcher, à ce qu'elle croit, de vivre dans l'obscurité la plus totale, tentant même de le convaincre qu'il a perdu la raison. Pour le «récupérer», la femme essaie de raviver chez son mari leurs souvenirs heureux d'antan et tente tantôt de le séduire, tantôt de le menacer, notamment de le tromper avec d'autres hommes afin de créer une quelconque réaction chez lui, mais en vain. Toutefois, et contre toutes les attentes de sa femme, l'homme finit quand même par apercevoir la fameuse lumière, et c'est la femme, obnubilée, qui s'y engouffre, à son tour. «Nafida» décrit à sa manière et dans une scénographie remarquable, un conflit dramatique survenant dans un couple syrien, un conflit aux relents politiques, sociaux et économiques entre deux antagonistes, découlant de la guerre, avec néanmoins une note d'espoir : la lumière tant attendue symbolise la fin du conflit, le retour de la paix et une vie normale pour les Syriens. Et même si la pièce ne parle pas directement de la guerre, la suggestion en est très forte, à tel point que la suggestion s'incruste si fort dans l'esprit du spectateur qu'elle devient partie prenante de l'atmosphère de la pièce de théâtre, «Nafida», fenêtre sur la paix. APS 25e Fespaco «Le voyage de Keltoum» en compétition
l Le court métrage de fiction «Le voyage de Keltoum» dernière œuvre du cinéaste Anis Djâad prendra part à la compétition officielle du 25e Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (Fespaco), prévu du 25 février au 4 mars, a-t-on appris auprès de l'équipe du film. Sorti en 2016, «Le voyage de Keltoum» est la troisième œuvre du réalisateur après la sortie en 2014 de «Passage à niveau», doublement primé au Festival du court métrage maghrébin à Oujda (Maroc), et en 2012 de «Le hublot» également primé lors des Journées cinématographiques d'Alger. L'œuvre aborde de manière atypique le retour aux sources des immigrés, à travers l'histoire de Keltoum qui se retrouve obligée, malgré de grandes difficultés financières, de réaliser les vœux de sa sœur mourante de retourner sur des lieux qu'elle considère comme sacrés. Cette promesse confronte Keltoum à sa propre misère sociale, à sa famille qui lui reproche sa modeste condition et à l'obligation de réaliser les dernières volontés de sa défunte sœur. Anis Djâad est l'auteur de plusieurs scénarios dont «Les assoiffés», «H3O» ou encore «Au bout du tunnel». Il a été assistant réalisateur sur le tournage de «França ya França» de Djamel Beloued. Dans la catégorie long métrage, «Le puits» de Lotfi Bouchouchi et «Les Tourments» de Sid-Ali Fettar seront en lice pour l'Etalon d'or du Yénnenga, avec 18 autres films représentant 14 pays africains. Les longs métrages «Fadhma N'soumer» de Belkacem Hadjaj (Etalon d'argent du Yénnenga), «J'ai 50 ans» de Djamel Azizi, «10 949 femmes» de Nassima Guessoum et «Dernier recours» de Mahi Bena avaient représenté l'Algérie au 24e Fespaco.