L'auteur a réussi un pari difficile, celui de dire beaucoup de choses, susciter des curiosités et donner du plaisir à ses lecteurs dans une oeuvre pas du tout volumineuse. Beaucoup d'Algériens ne le savent peut-être pas, le célèbrissime auteur de Don Quichotte, Miguel de Cervantès, a vécu en Algérie. Fait prisonnier à Alger même, il s'est évadé et a pris une grotte pour refuge dans une forêt près d'Alger. Il a séjourné dans cette grotte qui porte aujourd'hui son nom. L'endroit est aujourd'hui loti et le quartier qui «encercle» la grotte s'appelle justement Cervantès. Comment rappeler cette vérité historique, la nourrir, voire la remettre au goût du jour, sans tomber dans une narration longue, complexe et fastidieuse. C'est la mission que s'est confiée le romancier et essayiste Ahmed Benzelikha. Notre auteur a écrit une fiction qui prend justement son ancrage dans le personnage de Cervantès. Il le fait renaître dans le corps d'un jeune homme, qui se voit hanté par l'esprit du romancier espagnol. Benzelikha ne s'arrête pas à une simple histoire de fantôme, fut-il celui du grand Cervantès. En romancier soucieux d'accrocher le lecteur par une intrigue qui le pousserait à aller jusqu'au bout du livre, l'auteur crée quatre personnages que l'on retrouve dans une histoire d'amour et d'amitié, ainsi qu'une allusion directe à un phénomène qui a cours dans notre société, à savoir la «roqya» qui donne son nom au roman. Le lecteur devinera dès les premières pages du roman, le rapport entre cette pratique sociale et le personnage principal, habité par l'esprit de Cervantès, un cinquième personnage dans cette histoire, qui finit par se placer au centre du récit, jusqu'à faire oublier les quatre autres. Mais le lecteur se demandera tout au long du livre ce que viennent faire les trois personnages. C'est justement le petit plus qui retiendra le lecteur jusqu'à la fin du roman. En fait, l'oeuvre d'Ahmed Benzelikha se tient bien au plan de la narration et de l'énigme, éléments essentiels pour construire une histoire. Mais retenons tout de même que l'auteur n'a pas construit une histoire pour simplement la raconter. A travers cette oeuvre, il a rendu hommage à Cervantès, donné l'envie à ceux qui ne le connaissent pas encore de s'y intéresser et fait un plaidoyer pour l'écriture. Ahmed Benzelikha a, disons-le, franchement, réussi un pari difficile, celui de dire beaucoup de choses, susciter des curiosités et donner du plaisir à ses lecteurs dans une oeuvre pas du tout volumineuse. Un roman à croquer donc en quelques heures de lecture. Ce qu'il faut pour voyager dans le temps et dans l'espace. A ce propos, justement Benzelikha n'a pas situé l'essentiel de son roman dans le quartier de Cervantès, comme on l'aurait supposé, mais à Dellys. Un clin d'oeil pour une petite ville côtière qu'il semble apprécier particulièrement. On saura peut-être le «pourquoi» et le «comment» de cette admiration pour Dellys dans l'un des prochains romans d'Ahmed Benzelikha. La Roqya de Cervantès Roman de Ahmed Benzelikha Editions Alpha, 80 pages.