Critiques n Juges fédéraux, maires de grandes villes, acteurs de "Saturday Night Live" et des milliers d'anonymes mobilisables rapidement via les réseaux sociaux : Donald Trump se heurte, depuis janvier, à des forces d'opposition très variées. Le ton était donné dès le lendemain de son investiture, avec la grande "Marche des femmes" qui a réuni des millions de personnes à travers les Etats-Unis, et dans le monde. Le premier bras de fer concret se produit le 27 janvier, avec la publication du premier décret migratoire visant à suspendre immédiatement la venue aux Etats-Unis des ressortissants de sept pays à majorité musulmans, y compris les détenteurs de visas et papiers d'immigration en règle, et de tous les réfugiés. Conséquence : des centaines de voyageurs sont bloqués dans des aéroports du monde entier, déclenchant la mobilisation de nombreux avocats et de la puissante organisation de défense des droits, l'American Civil Liberties Union, qui conteste la légalité du décret en justice. Première bataille et première victoire pour un mouvement que l'opposition démocrate, sans leader clair, ne peut qu'encourager. Le décret est bloqué en quelques jours par un juge fédéral de Seattle, James Robart. L'administration Trump reviendra avec une version remaniée le 15 mars, ramenant le nombre de pays à six et excluant les détenteurs de papiers en règle. Un juge fédéral de Hawaï, Derrick Watson, le bloque à son tour, y voyant des "preuves significatives et irréfutables d'animosité religieuse". Cette bataille judiciaire s'accompagnera de manifestations quasi-quotidiennes de soutien aux immigrés en février et en mars. Mais le bras de fer migratoire continue. Le républicain avait promis pendant sa campagne d'expulser des millions d'immigrés clandestins. Peu après son arrivée à la Maison Blanche, son équipe durcit les consignes données aux agents fédéraux chargés du contrôle des sans-papiers, à commencer par ceux ayant un casier judiciaire. Les maires démocrates de New York (Bill de Blasio), Los Angeles (Eric Garcetti) ou Chicago (Rahm Emanuel), qui se veulent des villes "sanctuaires" pour les clandestins, montent au créneau "comme jamais ils ne l'avaient fait auparavant", explique Sam Abrams, professeur au Sarah Lawrence College. Soutenus par leur puissante police municipale et leurs procureurs, ils s'engagent à protéger les clandestins n'ayant pas commis de crimes violents, alors que de premiers cas d'interpellations sèment la panique. Mais de féroces critiques de l'administration Trump sont aussi à la télévision, notamment dans les émissions du soir qui évoluent à la frontière entre politique et divertissement. Comme Saturday Night Live, une doyenne du genre avec plus de quarante saisons sur NBC. Ses caricatures de Trump, ridiculisé depuis des semaines grâce aux mimiques d'Alec Baldwin, ou de son porte-parole Sean Spicer, dont les gaffes fournissent une matière en or, font régulièrement les titres des médias du dimanche. D'influents présentateurs politico-satiriques comme Stephen Colbert, John Oliver ou Samantha Bee se délectent également des cafouillages de l'administration d'un milliardaire qui étrenne à la Maison Blanche son premier mandat électif. Plus généralement, le monde du spectacle -qui avait soutenu quasi-unanimement la candidate malheureuse Hillary Clinton- regorge de célébrités attaquant Donald Trump: de Meryl Streep à Michael Moore en passant par Bruce Springsteen, Snoop Dogg ou encore Robert de Niro. Sans oublier les milliers d'anonymes venant compléter ce tableau d'"intense mobilisation", souligne M. Abrams: comme ceux du mouvement "Indivisible" qui envahissent les réunions publiques d'élus du Congrès pour les pousser à résister aux mesures les plus controversées. R. I. / Agences n Aussi hétérogènes que soient ces visages de la résistance au président, ils ne modifient pas le paysage politique américain, "très polarisé depuis des années", souligne Robert Shapiro, professeur en sciences politiques à l'Université Columbia. Même s'ils agacent profondément M. Trump, la véritable menace vient d'abord "de son propre camp", dit-il, jugeant notamment "très importantes" les critiques des sénateurs républicains John McCain ou Lindsey Graham dans le scandale sur l'interférence russe dans l'élection présidentielle. Et l'échec fin mars de la majorité républicaine à adopter un projet de loi sur la santé pour remplacer Obamacare -promesse fondamentale du milliardaire- risque bien davantage de lui faire perdre des partisans. "Si la plupart ne l'ont pas abandonné, leur enthousiasme en a pris un coup", dit cet expert. Un juge bloque le décret contre les «villes sanctuaires» Décision n Un juge a en grande partie suspendu hier l'application d'un décret du président Trump visant à priver de financements fédéraux les collectivités opposées à sa politique anti-immigration, suscitant une réaction exaspérée de la Maison Blanche. Ce nouveau revers pour Donald Trump intervient à l'approche des cent jours après son investiture. Le juge William Orrick, de la cour fédérale de San Francisco, a pris cette injonction temporaire de portée nationale en considérant que les arguments d'avocats représentant San Francisco et le comté californien de Santa Clara étaient valables. Le débat sur le fond aura lieu ultérieurement. "L'Etat de droit a subi un coup supplémentaire car un juge non élu a réécrit de façon unilatérale la politique de l'immigration", a fustigé la Maison Blanche dans une déclaration. Cette décision "erronée est un cadeau fait aux gangs criminels et aux milieux des cartels dans notre pays" et constitue "un exemple supplémentaire d'un dépassement flagrant" des fonctions d'un seul juge qui conduit à "miner la confiance dans notre système juridique", a ajouté la Maison Blanche. "Nous sommes confiants d'obtenir finalement raison devant la Cour suprême", poursuit la déclaration. Santa Clara, un exemple de ces "villes sanctuaires" qui se sont engagées à protéger leurs habitants sans-papiers, a salué en revanche une décision "historique" et "un revers pour la politique de la peur". Avec San Francisco, cette agglomération avait assigné en justice le gouvernement de Donald Trump, espérant obtenir une suspension analogue à celle émise par les tribunaux d'un autre décret qui voulait interdire pour trois mois l'entrée aux Etats-Unis des ressortissants de six pays (initialement sept) à majorité musulmane, ainsi que l'arrivée des réfugiés. Les autorités de Santa Clara affirment que le comté pourrait perdre près de 1,7 milliard de dollars à cause de ce décret qui entend retirer des subventions fédérales aux villes - et notamment aux forces de l'ordre locales - refusant de coopérer avec la police fédérale de l'immigration. San Francisco perçoit pour sa part jusqu'à 2 milliards de dollars par an de fonds fédéraux. Lors d'une audience judiciaire mi-avril, les avocats de l'administration Trump avaient assuré qu'aucune de ces juridictions ne risquait dans l'immédiat de perdre ces financements, le décret voulant selon eux seulement les forcer à appliquer les lois sur l'immigration.