Résumé de la 2e partie n Gracieuse, entendant le roi son père, courut au-devant de lui ; elle l'embrassa, et lui demanda s'il avait fait une bonne chasse. Taisez-vous, dit le roi en se fâchant, je prétends que vous l'aimiez et la respectiez autant que si elle était votre mère : allez promptement vous parer, car je veux retourner dès aujourd'hui au-devant d'elle. La princesse était fort obéissante ; elle entra dans sa chambre afin de s'habiller. Sa nourrice connut bien sa douleur à ses yeux. – Qu'avez-vous, ma chère petite ? lui dit-elle ; vous pleurez ? –Hélas! ma chère nourrice, répliqua Gracieuse, qui ne pleurerait ? Le roi va me donner une marâtre ; et pour comble de disgrâce, c'est ma plus cruelle ennemie ; c'est, en un mot, l'affreuse Grognon. Quel moyen de la voir dans ces beaux lits que la reine ma bonne mère avait si délicatement brodés de ses mains ? Quel moyen de caresser une magote qui voudrait m'avoir donné la mort ? – Ma chère enfant, répliqua la nourrice, il faut que votre esprit vous élève autant que votre naissance ; les princesses comme vous doivent de plus grands exemples que les autres. Et quel plus bel exemple y a-t-il que d'obéir à son père, et de se faire violence pour lui plaire ? Promettez-moi donc que vous ne témoignerez point à Grognon la peine que vous avez. La princesse ne pouvait s'y résoudre ; mais la sage nourrice lui dit tant de raisons qu'enfin elle s'engagea de faire bon visage, et d'en bien user avec sa belle-mère. Elle s'habilla aussitôt d'une robe verte à fond d'or ; elle laissa tomber ses blonds cheveux sur ses épaules, flottant au gré du vent, comme c'était la mode en ce temps-là, et elle mit sur sa tête une légère couronne de roses et de jasmins, dont toutes les feuilles étaient d'émeraudes. En cet état Vénus, mère des Amours, aurait été moins belle ; cependant la tristesse qu'elle ne pouvait surmonter paraissait sur son visage. Mais pour revenir à Grognon, cette laide créature était bien occupée à se parer. Elle se fit faire un soulier plus haut de demi-coudée que l'autre, pour paraître un peu moins boiteuse ; elle se fit faire un corps rembourré sur une épaule pour cacher sa bosse ; elle mit un œil d'émail le mieux fait qu'elle pût trouver ; elle se farda pour se blanchir ; elle teignit ses cheveux roux en noir ; puis elle mit une robe de satin amarante doublée de bleu, avec une jupe jaune et des rubans violets. A suivre Marie Catherine, comtesse d'Aulnoy