Résumé de la 6e partie n Bernard tenta de regarder Lily en face, pour voir comment elle réagissait, mais elle détourna la tête. Lily se retourna, la voix aussi froide qu'une bière à peine sortie du réfrigérateur : — Bernard, ce qui me fait peur, ce n'est pas un loup-garou dans la nuit. Ce dont j'ai peur, si je repose jamais les yeux sur Clark Davidson, c'est de le tuer sur place. — Tournez ici, hurla la vieille folle. Ici, petit ! Charles tourna le volant de toutes ses forces et fit exactement ce qu'elle disait, même si cela allait lui faire remonter Elysian Fields Boulevard au lieu de le descendre, et en plus, à contresens. — Ferme seulement les yeux et imagine-toi Clark devenu gras, recommanda Bernard. Il était lui-même blond, petit et élégant, avec des attaches fines et un teint délicat. — Avec de la sueur maculant sa chemise de popeline blanche de taches sombres sous les aisselles, précisa-t-il. Avec son ventre tendant sa chemise aux boutonnières bâillantes. Avec son col trop serré d'où émerge son gros cou. — Beurk, dit Lily. Mais elle obéit à Bernard. Elle se représenta Clark. Et alors, comme en d'autres occasions, si nombreuses qu'elle avait depuis longtemps cessé de les compter, le produit de son imagination apparut en chair et en os, surtout en chair et tout transpirant, exactement comme Bernard l'avait décrit. Ici même, de l'autre côté d'Elysian Fields, se tenait Clark Davidson, son ex-mari. L'homme auquel elle avait donné sa virginité, son amour, sa confiance, auquel elle avait murmuré ses désirs les plus fous et ses plus noirs secrets. L'homme qui avait rejeté tout cela, comme quelques fleurs des champs qu'il aurait admirées, cueillies et rapportées à la maison pour les déposer dans un vase de verre écarlate, avant de penser : «Oh, ce ne sont que de mauvaises herbes, après tout», et de les jeter à la poubelle. II portait un costume de lin blanc, déjà maculé de sueur alors qu'il n'était pas encore 9 heures du matin. Lily agita la main. Le visage de Clark s'éclaira. Il avait l'air absolument enchanté de la voir. Son sourire apparut, ce sourire qui, naguère, faisait bondir comme un chiot le cœur de Lily. Il lui fit de grands signes. — Hé, lança-t-il. Hé, Lily ! Puis il lança un coup d'œil sur sa gauche pour vérifier si des véhicules arrivaient, et s'élança sur la chaussée en train de fondre. — Eh bien, ma petite dame, j'espère que vous êtes contente, dit Charles à la vieille femme. Elle le menaçait toujours de son revolver, même après que le bus avait écrasé le gros homme blanc, dans son beau costume de lin blanc, maintenant aplati comme une crêpe au milieu de la rue. Elle renifla : — Cet imbécile aurait dû regarder des deux côtés. Maintenant, allons-y, petit. Une femme occupée comme moi n'a pas toute sa journée devant elle.