Résumé de la 3e partie n Aujourd'hui, même la partie acceptable s'était mal passée pour Charles. Bernard, l'ami de Lily, abandonna deux minutes l'arrêt du bus, pour aller acheter un journal. Un bel homme, vêtu d'un costume de seersucker bleu et blanc, qui portait une serviette, s'approcha de Lily. La saluant d'un hochement de tête, il contempla les sandales noires aux brides de gros grain de la jeune femme, et dit : — Vous savez que vous avez les chevilles les plus somptueuses que j'aie vues de toute ma vie ? — Allez vous faire foutre, riposta Lily. Entre Pleasure et Humanity, une grosse bonne femme monta dans le bus. Elle devait peser dans les cent cinquante kilos et en portait bien cinquante autres d'épicerie dans des sacs humides. Comme de juste, un des sacs céda. Des fromages, du guacamole, des chips et des cookies au chocolat se répandirent dans le bus de Charles. L'un des gamins amateurs de rap s'empara d'un sachet de chips aux oignons verts et à la crème aigre, le déchira pour l'ouvrir, et y plongea la main. La grosse bonne femme mit toute sa force dans un aller-retour qui envoya l'adolescent valdinguer trois rangées de sièges plus loin. — Vous commencez à me casser les pieds, vous, les jeunes voyous, brailla-t-elle. Vous avez même pas un poil d'entraînement. Charles ne ralentit même pas. Il pensait à l'expression de Sharleen lorsque sa maman lui parlait des jeunes Noirs qui devenaient aussi nombreux que les arbres, là-haut en Alaska. —Ils me plaisent bien, disait Dorothy. Ils la ramènent pas. Ils cambriolent pas non plus, d'ailleurs on s'en fout. Je peux les former. Le premier un peu insolent, je le fous dehors et je m'en cherche un tout neuf. A voir Sharleen, c'était la meilleure idée de la journée. Comme si elle ne savait pas qu'une relation, ça se construit, avec des hauts et des bas, de bons et de mauvais moments. Comme la vie. — Quand mon amie Lily a quitté son salaud de mari qui la cocufiait, elle a déchiré ses chemises à cent dollars et les a flanquées par la fenêtre comme des confettis un jour de carnaval, avait-elle répondu. Encore cette Lily. Lorsque Bernard revint avec son journal, Lily commençait à élever la voix. L'homme au costume de seersucker héla un taxi en maraude comme s'il craignait pour sa vie. — Etre jolie, cela me plaît, et j'ai autant de vanité qu'une autre, affirma Lily. Mais un homme ne pourrait-il pas, une fois de temps en temps, commencer par quelques formules de politesse avant d'entamer ses commentaires sur la partie de mon anatomie qui a attiré sa petite attention vicieuse ? — Au lieu de parler de ta brillante intelligence ? s'enquit Bernard. Eh bien, je suis ici pour proclamer que c'est de ta maîtrise de la concordance des temps que j'ai toujours été amoureux. De ton aisance en matière de balance extérieure. Si tu n'étais pas une femme, en vérité, je t'épouserais moi-même. A suivre