Résumé de la 11e partie n Gracieuse dit à Percinet qu'elle avait quelque peine que tout le monde entrât dans leurs secrets. Cet éloignement lui faisait beaucoup de peine : quitter un palais si magnifique pour se mettre entre les mains de la barbare Grognon, la différence était grande, on hésiterait à moins. D'ailleurs, elle trouvait Percinet si engageant qu'elle ne voulait pas demeurer dans un palais dont il était le maître. Lorsqu'elle fut levée, on lui présenta des robes de toutes les couleurs, des garnitures de pierreries de toutes les manières, des dentelles, des rubans, des gants et des bas de soie ; tout cela d'un goût merveilleux : rien n'y manquait. On lui mit une toilette d'or ciselé ; elle n'avait jamais été si bien parée et n'avait jamais paru si belle. Percinet entra dans sa chambre, vêtu d'un drap d'or et vert (car le vert était sa couleur, parce que Gracieuse l'aimait). Tout ce qu'on nous vante de mieux fait et de plus aimable n'approchait pas de ce jeune prince. Gracieuse lui dit qu'elle n'avait pu dormir, que le souvenir de ses malheurs la tourmentait, et qu'elle ne pouvait s'empêcher d'en appréhender les suites. – Qu'est-ce qui peut vous alarmer, madame ? lui dit-il. Vous êtes souveraine ici, vous y êtes adorée ; voudriez-vous m'abandonner pour votre cruelle ennemie ? – Si j'étais la maîtresse de ma destinée, lui dit- elle, le parti que vous me proposez serait celui que j'accepterais ; mais je suis comptable de mes actions au roi mon père ; il vaut mieux souffrir que de manquer à mon devoir. Percinet lui dit tout ce qu'il put au monde pour la persuader de l'épouser, elle n'y voulut point consentir, et ce fut presque malgré elle qu'il la retint huit jours, pendant lesquels il imagina mille nouveaux plaisirs pour la divertir. Elle disait souvent au prince : — Je voudrais bien savoir ce qui se passe à la cour de Grognon, et comment elle s'est expliquée de la pièce qu'elle m'a faite. Percinet lui dit qu'il y enverrait son écuyer, qui était homme d'esprit. Elle répliqua qu'elle était persuadée qu'il n'avait besoin de personne pour être informé de ce qui se passait, et qu'ainsi il pouvait le lui dire. — Venez donc avec moi, lui dit-il, dans la grande tour et vous le verrez vous-même. Là-dessus il la mena au haut d'une tour prodigieusement haute, qui était toute de cristal de roche, comme le reste du château : il lui dit de mettre son pied sur le sien, et son petit doigt dans sa bouche, puis de regarder du côté de la ville. A suivre Marie Catherine, comtesse d'Aulnoy