La guerre aux herboristes, ou plus précisément aux pseudo-herboristes, a été déclarée. Après les enquêtes ouvertes, place maintenant aux sanctions. Plus de 1 000 enseignes activant dans le domaine viennent de fermer boutique. L'affaire du fameux « RHB » a déclenché une véritable tempête et a attiré toute l'attention du gouvernement sur cette nouvelle tendance de médication. Faisant ainsi une mauvaise pub pour la filière. De ce fait, le ministère du Commerce s'est engagé à assainir ce segment commercial, très prisé par les Algériens, mais aussi par de nombreux affairistes, voire charlatans qui exploitent la détresse et la fragilité des plus crédules ! Place à la régulation et à la formation ... Une formation, un métier Nouvelle donne - La Fédération nationale des professionnels des plantes et des produits naturels compte lancer une formation des herboristes dans diverses spécialités pour valoriser ce métier au niveau national... C'est ce que nous apprenait récemment son secrétaire national chargé de l'information. En marge de l'installation du premier bureau de wilaya au niveau national de cette fédération affiliée à l'Union générale des commerçants et artisans algériens (UGCAA), Mohamed Hamidi a indiqué que cette formation qui s'inscrit dans le cadre du programme de la fédération, concernera la vente des plantes, la cueillette, le séchage et l'extraction de produits naturels. Créée le 7 février dernier à Alger, cette fédération œuvre à recenser les plantes pour les préserver, en collaboration avec des chercheurs universitaires, et à devenir partenaire avec les secteurs de l'agriculture, de la santé, des forêts et du commerce, a-t-on souligné. Elle tend également à instaurer une éthique en vue de protéger le consommateur, de rationaliser l'usage des plantes, de lutter contre l'escroquerie et le charlatanisme et d'investir dans le domaine des plantes en créant des coopératives au niveau des zones rurales disposant de matières premières, a précisé M. Hamidi. Par ailleurs, la fédération s'est lancée dans le recensement des herboristes au niveau du pays pour connaître leur niveau d'instruction et leur savoir dans le domaine de la botanique. Cette rencontre, à laquelle ont assisté des professionnels des plantes et produits naturels et des commerçants de détail et de gros, a été marquée par la désignation de Mohamed Hamidi comme président du bureau d'Oran de la fédération, composé de 11 membres élus par l'assistance.Le coordinateur de wilaya de l'UGCAA, Abed Mouad a indiqué que la Fédération nationale des professionnels des plantes et des produits naturels est un canal de concertation permettant aux adhérents de soulever des préoccupations sur leur métier en vue de sa promotion. En effet, selon des sources du Ministère du Commerce, ce dernier aurait procédé à la fermeture de plus de 1000 boutiques d'herboristes à travers le pays. Et si l'on compte ceux activant illégalement, le chiffre avoisine les 3000 enseignes. Pour rappel, en décembre dernier le Ministère du Commerce avait déclaré ouvertement la guerre aux herboristes. Une missive de la Direction générale du contrôle économique et de la répression des fraudes (DGCERF) rattaché au même département et datée du 21 décembre 2016 avait instruit les Directions de commerce de chaque wilaya du pays d'ouvrir des enquêtes approfondies sur toute enseigne qui propose ce genre de médication. Ainsi la fermeture de ces enseignes serait l'aboutissement de ces enquêtes. Par ailleurs, une source du Centre National du Registre de Commerce (CNRC) nous a révélé que pas moins de 3261 herboristes sont inscrits dans cet organisme. Gel de l'importation des mélanges d'herbes Le ministère du Commerce a décidé le gel, au titre de mesure conservatoire, de l'importation des mélanges d'herbes à partir du premier juin 2017. Il a été décidé en coordination avec les secteurs concernés et au titre de mesure conservatoire, de "geler l'importation des mélanges d'herbes destinés à la vente en l'état jusqu'à codification", a indiqué le ministère dans un communiqué. Par conséquent, ajoute le communiqué, "Il est interdit aux commerçants exerçant l'activité de préparation, de conditionnement ou de vente d'herbes de commercialiser les mélanges d'herbes, à l'exception de la commercialisation en l'état sans mention de vertus thérapeutiques sur l'étiquetage ou de publicité de leurs vertus thérapeutiques par n'importe quel moyen". Le ministère rappelle pour ce qui est des herboristes dont les locaux ont été fermés que "la reprise de leur activité est tributaire de la modification de leur registre de commerce et de la signature d'un engagement de suivre une formation spécialisée pour laquelle ils seront convoqués ultérieurement, précisé le communiqué. Le ministère du Commerce appelle les concernés à se rapprocher des services des directions de commerce de wilaya pour de plus amples informations. La médecine moderne, un tout autre avis En dépit de la convergence d'opinions sur l'efficacité de la phytothérapie dans la protection contre certaines maladies, des médecins et pharmaciens à In-Salah restent fondamentalement opposés au recours à la phytothérapie, s'appuyant sur l'argument qu'un mauvais usage des plantes peut entraîner des complications sur la santé. A ce sujet, le Dr Abdelkrim Saadaoui, médecin généraliste, a mis en garde contre le recours inconsidéré à la phytothérapie, ne s'appuyant pas sur des bases scientifiques correctes et qui, selon lui, risque de mettre en danger le malade et aggraver sa situation, en l'absence de formation en la matière et par méconnaissance des plantes pouvant contenir des matières toxiques et dangereux. Pour cela, les médecins appellent les herboristes à se doter de connaissances médicales et scientifiques sur les plantes naturelles pour bénéficier de leurs bienfaits et en faire un bon usage. La phytothérapie, un mode de médication en vogue Crédulité - Les boutiques de médecine alternative, phytothérapie et aromathérapie à In-Salah (750 km au nord de Tamanrasset) suscitent un large engouement de clients en quête de plantes à usage thérapeutique pour prévenir et guérir les maladies. La phytothérapie et l'aromathérapie sont prisés pour de pathologies, qu'elles soient graves ou bénignes, sur recommandations de l'entourage, sans se soucier d'éventuelles complications et effets secondaires pouvant être provoqués par ces préparations. Pour de nombreux citoyens d'In-Salah, la phytothérapie constitue "un retour à la nature", notamment en matière de traitement de certaines maladies graves, et que ces herbes ont toujours été de "bons remèdes" pour leurs vieux parents, dont certains, disent-ils, "ne s'étaient jamais rendus dans les structures de santé et officines pharmaceutiques". La plupart des herboristes et phytothérapeutes d'In-Salah, dans le Tidikelt, affirment que leurs "officines" sont sollicitées par toutes les catégories sociales et pas seulement par les personnes âgées. Ils assument, outre la vente des produits, la prescription de pseudo-ordonnances thérapeutiques et la vulgarisation des vertus, mode d'emploi et posologie des mixtures à base d'herbes et de plantes, selon les cas des malades, dans l'espoir d'un rapide soulagement de leurs douleurs et d'un rétablissement, sans avoir à recourir à la médecine moderne. La région qui comptait, dans un passé récent, un nombre limité de personnes, expérimentées, qui se sont fait une spécialité dans la préparation de mixtures thérapeutiques contre différentes pathologies passagères et bénignes, connait aujourd'hui une prolifération de spécialistes en phytothérapie, installés dans plusieurs coins stratégiques de la ville. Les prescriptions varient d'un herboriste à un autre. Certains recourant à des préparations usitées et ayant donné leur preuve, d'autres se référant à des ouvrages et écrits, anciens ou modernes, sur la médecine alternative. Plusieurs femmes de la région du Tidikelt accueillent des malades chez-elles pour leur apporter une aide thérapeutique, notamment des cas "désespérés". L'une d'elles, Mme N. Sihami, ayant reconverti son domicile en "cabinet médical", a affirmé que des préparations de plantes prophylactiques ont donné lieu à des résultats "magiques" sur de nombreux cas de malades, dont des femmes souffrant de stérilité, des cas de tumeurs, de fractures et de maladies infantiles. Jouissant d'une expérience en phytothérapie, car promue de l'institut technique de l'agronomie saharienne de Timimoune où elle a développé des connaissances en matière de compositions biologiques des végétaux, leurs effets et bienfaits sur le corps humain, elle estime que le recours à la médecine alternative est due parfois à la difficulté de diagnostiquer leur maladie par les médecins. Pour Mme Rokia, une quadragénaire d'In-Salah rencontrée dans cette "clinique traditionnelle" à domicile, "la fin justifie les moyens". "Face à la gravité de la pathologie, le malade recourt à tous les moyens'', et que "certaines se tournent vers les plantes naturelles dès lors qu'elles y perçoivent une lueur d'espoir de guérison". Compléments alimentaires : un marché livré à lui-même ! Pour la représentante du ministère de la Santé, de la population et de la réforme hospitalière, Mme Samia Zagh citant une étude réalisée entre 2000 et 2014, 1.856 cas d'intoxication par plantes ont été enregistrés par le Centre national antipoison, précisant "qu'il ne s'agit pas d'un chiffre représentatif, car des milliers de cas ne sont pas déclarés, mais il permet d'avoir une idée sur la gravité de la chose". Selon les experts, le marché des compléments alimentaires "échappe à tout contrôle, alors que plus de 50% des adultes recourent à ce genre de produits". Le marché national des compléments alimentaires souffre aussi du manque de la culture de consommation, des produits exclusivement importés, circuit de distribution et de vente inconnu, et du manque de professionnels, a-t-on relevé lors de cette rencontre. Selon le directeur exécutif de la FAC, Mohamed Toumi, 95% des compléments alimentaires (dont les plantes médicinales) commercialisés sur le marché national proviennent de Chine et d'Inde et "ne sont soumis à aucun contrôle en laboratoire spécialisé", ajoutant que le peu de produits ayant subis des analyses se sont avérés à base de produits chimiques, alors qu'ils sont censés être à base de plantes médicinales", appelant dans ce sens à plus d'informations et de sensibilisation au profit des consommateurs. A cet effet, Des experts ont appelé lors d'une rencontre récente à Alger à la création d'un comité intersectoriel dans le but d'organiser le marché local des compléments alimentaires, à travers notamment la mise en place d'un cadre juridique et la professionnalisation de ce créneau. Ce comité devrait regrouper des représentants de plusieurs institutions étatiques relevant des secteurs de la santé, le commerce, l'agriculture, l'industrie, mais aussi les associations des herboristes, des commerçants et producteurs ainsi que les associations de protection des consommateurs. Constantine : 25 poursuites en justice en 2016 Vingt-cinq procès-verbaux assortis de poursuites judiciaires ont été dressés, durant l'exercice 2016, à l'encontre de propriétaires d'herboristeries de la wilaya de Constantine, pour "diverses infractions", selon les services de la direction du commerce. Détaillant ces "infractions", Abdelhakim Merad, responsable de la communication au sein de cette direction a indiqué que les opérations de contrôle menées par les services concernés ont relevé, au cours de l'année précédente, 28 infractions portant notamment sur la vente de produits périmés, le manque d'hygiène et des défauts d'étiquetage et de facturation. Cette même source a précisé que 109 interventions, ciblant des herboristeries, durant cette même période, ont été effectuées par cinq brigades de contrôle et de la répression des fraudes de la direction du commerce de la wilaya de Constantine. Selon M. Merad, ces mêmes brigades ont procédé également à la saisie de 612,5 kg de produits "non conformes", pour un montant estimé à plus de 4,5 millions de dinars, faisant savoir que les produits saisis présentaient soit un défaut d'étiquetage, soit avaient dépassé la date de péremption. Procédant en outre à la fermeture de 3 herboristeries en 2016, pour "activité en dehors du registre de commerce et défaut d'hygiène", ce même responsable a précisé que les services de la direction du commerce sont appelés, par ailleurs, à "durcir" leurs opérations de contrôle durant cette année 2017.