Visions - Ils sont une vingtaine de jeunes photographes à exposer leurs images au MaMa issus de différentes wilayas du pays. En sillonnant l'exposition, on a tout le loisir de regarder le travail des jeunes filles et des jeunes hommes qui participent à «Iqbal/Arrivées, pour une nouvelle photographie algérienne» - c'est l'intitulé de l'exposition. Youcef Krache, lui, a mis en scène le bélier. Il fallait y penser que de fixer son objectif sur cet animal domestique fidèle à l'assiette du consommateur et au sacrifice annuel. Des pièces de monnaie à son effigie, au combat acharné de moutons, satisfaction humaine peu loyale, aux carcasses suspendues après «tadhiya», en faisant un tour dans la bergerie, aux cornes comme trophée, le mouton avec Youcef Krache devient personnage à part entière. Maghnia au petit matin flottant, c'est Abdou Farouk avec «Transvergence». Hommes captés de dos, rues désertes, terrain vague, palmier au milieu de nulle part, eucalyptus solitaire, Maghnia dans sa nudité de ville égarée dans son isolement. «Extraterrestre Djanet», photos surréalistes. Dimension d'un clair obscur qui donne à réfléchir sur une ville du Sud vue de nuit et qui se serait détachée d'autre planète. Sonia Merabet a matérialisé cette atmosphère quasi irréelle avec art. Véhicules en fin de vie, au repos ou tout simplement lâchés dans la nature, hors service vers qui Zehouel Ramzy est allé les rencontrer. Voitures d'un autre temps, bus, camions, il les a dénichés sous la neige sale, face à la mer, sur la route menant nulle part. Climat de France, cité dortoir, cité béton, ville dans la ville, un travail de Rahiche Hamid. Petit peuple heureux, petits bonheurs à deux sous et des sourires comme des soleils. Qui a dit que ce sont des marginaux ? Liasmine Fodil est partie à la poursuite d'une présence qui n'est plus dans la maison des souvenirs. Une grand-mère disparue et son âme attachée au lieu continue de chuchoter. «Lumière d'âme» de Sihem Salhi est une invitation à parcourir le chemin lumineux de la foi. Plusieurs poses, des images floutées comme pour plus de mystère et de certitude dans la prière. «Dégoutage» de Besma Khalfa, une suite de portraits laissant voir l'incertitude et la fragilité face au chômage. Les migrants subsahariens pris sur le vif, au cœur de leur désarroi, du dénuement, des oubliés de la cité dans les sous sols de l'aérohabitat. «Ça va, wa ka», on le doit à Rouchiche Nassim. La tradition des fêtes et des cérémonies religieuses dans la campagne oranaise sont interprétées par le regard Bensaâdi Ramzy d'Oran. Plus de 200 prises de vue sont là jusqu'au 13 juillet, où l'on retrouve également les images de Boubekeur Mehdi «Tag âla tags» où les graffitis sont pris comme parole instantanée d'êtres assoiffés de reconnaissance. D'autres jeunes artistes se sont investis avec toute l'ardeur de leur certitude à présenter un regard, une rencontre et une atmosphère de l'environnement immédiat de chacun. On citera également Tidafi Karim Nazim et son «Aperto Libro», Yassine Belahcen, Abdou Shanan, Ahmed Badredine, Atef Berredjem, Fethi Sahraoui et Yanis Kafiz. Bruno Boudjelal, commissaire de l'exposition parle d'un «précieux témoignage que ce courant photographique issu de toute l'Algérie. Ces jeunes photographes nous montrent combien ils en ont conscience et nous envoient un message très fort et clair...»