Environ deux décennies plus tard, l?apprenti rejoint son ami, son complice des projecteurs. Le cinéma algérien est encore une fois en deuil. Un grand artiste s?en va après avoir eu, lui aussi, son lot d?oubli, de déceptions et de solitude. Le comédien Yahia Benmabrouk, très connu du large public sous le sobriquet de l?Apprenti pour avoir incarné à l?écran le célèbre personnage du collaborateur de l?inspecteur Tahar dans la série télévisée créée et interprétée par feu Hadj Abderrahmane, est décédé samedi à Alger, à l?âge de 76 ans, des suites d?une longue maladie. Rencontré à son domicile hier, son neveu Aïssi Derrar, confie que «Yahia Benmabrouk était très malade. Il avait du diabète, des complications cardiaques, en plus de sa paralysie qui l?avait cloué dans un fauteuil roulant. Il a été à maintes reprises hospitalisé». Il ajoute que la santé de son oncle «s?est détériorée depuis trois ans, lorsqu?il a reçu un choc à la suite du décès de son frère Amimer». «Yahia Benmabrouk, qui a laissé deux garçons et trois filles, a passé ces trois dernières années à l?hôpital à se faire soigner», déclare son neveu, rappelant qu?il avait été pris en charge, il y a à peu près deux ans, en Ecosse, où il est resté deux mois. Par ailleurs, Aïssi Derrar s?est désolé que son oncle ait été oublié, relégué dans l?indifférence. «Il a été oublié, alors qu?il a passé toute sa vie à donner à la culture. Il a tant donné au public autant par son talent que par son humour. Il était très généreux et foncièrement humain et c?est triste qu?il se soit retrouvé oublié par tous». Effectivement, Yahia Benmabrouk, comme tant d?autres artistes, a connu une fin tragique, un triste sort. Il est décédé comme ces oiseaux qui se cachent pour mourir, dans l?indifférence et l?oubli. Mais auprès de sa famille et de ses proches amis. «Il avait beaucoup d?amis qui ne l?ont pas oublié et qui venaient souvent lui rendre visite ; il avait sa famille qui l?entourait et lui prodiguait les soins», déclare son neveu, insistant sur le fait que lui-même ne manquait pas de s?occuper de lui. «C?est moi qui m?occupais le plus de mon oncle, je l?assistais souvent», souligne-t-il. Le décès de Yahia Benmabrouk dans de telles conditions devrait provoquer une prise de conscience des autorités concernées, afin d??uvrer à concevoir une politique agissante pour améliorer la situation des artistes. Une situation, rappelons-le, précaire et lamentable. Il est à rappeler que Yahia Benmabrouk a bénéficié, il y a près d?une année, de la part de Khalida Toumi, ministre de la Culture, d?un appartement à Kouba. Un geste louable et honorifique, mais tardif, car au moment où il lui a été rendu hommage, Yahia Benmabrouk était déjà affaibli, rongé par la maladie et retenu dans un fauteuil roulant. Il faut considérer nos artistes de leur vivant, au moment où ils mettent leur talent à l??uvre. Si Yahia Benmabrouk, dit l?Apprenti, nous a quittés, il reste cependant présent et éternel dans notre mémoire, dans nos souvenirs.