Résumé de la 1re partie Vittorio Barzatti, officier marinier sur un petit contre-torpilleur, se croit mort lorsque la bombe aérienne descend sur les chantiers navals de la Spezia. Mais l'eau atteint déjà le niveau de la porte béante de sa cabine. La coursive est noyée, en dessous. Le temps presse. Hélas ! Il faut se rendre à l'évidence, la flamme du chalumeau oxhydrique ne parviendra pas à temps à découper la tôle autour du hublot. Rien d'étonnant à cela, car la cuirasse du contre-torpilleur est faite pour résister aux obus. Un des ouvriers se penche et crie à Vittorio : «Impossible !...» et le bateau s'enfonce ! Vittorio sort à nouveau la tête par le hublot. C'est horrible et trop bête. Mourir noyé alors qu'il a la tête dehors et parce que ses épaules ne passent pas. Seulement les épaules... C'est alors que Vittorio prend sa décision : mourir pour mourir, autant choisir ce qui lui laisse une chance sur un million d'en sortir vivant : de toute façon, il a déjà le bas du corps dans l'eau et le bateau couché est à présent presque rempli. Il coule de plus en plus vite. Aux hommes dont les pieds sont à la hauteur de sa tête, Vittorio brusquement lance un ordre : «Vous allez faire ce que je dis ! Même si vous devez me couper en deux ! Jurez-le-moi !» Les deux hommes jurent avec émotion, car Vittorio est perdu, ils le savent. Mais l'idée de Vittorio est extraordinaire. Cinq minutes plus tard, les hommes laissent pendre un filin d'acier par le hublot : assez mince, mais solide. Vittorio fait plusieurs tours et le noue soigneusement autour de son torse. Puis, toujours selon ses instructions, quatre hommes attachent le filin au milieu d'une barre de fer qu'ils tiennent horizontalement au-dessus de sa tête. Deux hommes d'un côté du hublot, deux de l'autre. lIs n'ont pas le temps d'aller chercher un médecin pour administrer un anesthésique, et pourtant Vittorio en aurait besoin... Un marin tend à la tête de Vittorio une bouteille de «grappa», cet alcool italien très raide. Il en avale coup sur coup deux ou trois gorgées, s'étrangle, tousse et ferme les yeux. Dans la cabine, l'eau et le mazout ont maintenant atteint sa ceinture. Autour de sa tête, sur le flanc du bateau coulé, les quatre marins sont comme sur une île dont la surface diminue à vue d'?il. Accroupis, ils tiennent la barre de fer comme s'ils allaient à quatre soulever un haltère. Vittorio, pour se donner du courage, lance des imprécations et des jurons affreux. Puis il se tait une seconde, ferme à nouveau les yeux, et soudain se met à hurler : «Allez, par la Madone ! Arrachez ce qui vient !» Les quatre marins se redressent, comptent jusqu'à trois et tirent la barre en force. Vittorio hurIe. Et puis, dans l'ordre, on entend d'abord deux craquements horribles. Ce sont ses épaules qui viennent de se briser. Puis une autre série de craquements, ce sont ses côtes. Il est à présent à moitié sorti du hublot. Il reste le bassin. Les marins sont à présent debout, car la barre de fer est trop haute ; ils la tournent entre leurs mains pour enrouler et raccourcir le filin d'acier fixé en son milieu et dans un dernier effort, ils extirpent Vittorio qui vient d'un seul coup, mais non sans un dernier craquement. Au passage du hublot, son bassin s'est brisé à son tour. C'était en 1941, et Vittorio, aujourd'hui, est toujours vivant. Il marche raide et ne peut plus bouger les épaules. En pleine guerre, on a ressoudé ses os comme on pouvait. Mais il y a, par exemple, une chose qu'il ne peut plus faire depuis, une chose bête et qui le fait toujours d'ailleurs un peu frissonner quand on la fait devant lui : c'est de déboucher une bouteille avec un tire-bouchon.