La justice marocaine a ordonné une enquête après la diffusion d'une vidéo controversée du leader emprisonné de la contestation dans le nord du Maroc, manifestement filmée en détention et qui suscitait la polémique ce mardi matin dans le pays. Hier lundi, dans la foulée de sa comparution devant un juge d'instruction, une vidéo de Nasser Zefzafi a été diffusée par un site d'information locale, réputé proche des milieux sécuritaires. On y voit Zefzafi, visiblement filmé depuis une cellule, en train d'exhiber des parties de son corps, comme pour montrer qu'il n'a pas été violenté. La vidéo a été retirée depuis. "Immédiatement après avoir pris connaissance de cette vidéo", le procureur général du roi à Casablanca a "ordonné l'ouverture d'une enquête pour élucider les circonstances de son enregistrement et la finalité de sa publication", selon un communiqué. De son côté, l'administration pénitentiaire a démenti que cette vidéo ait été enregistrée dans la prison de Casablanca, où Zefzafi est incarcéré depuis son arrestation fin mai dernier. "Depuis sa mise en détention à la prison concernée", le prisonnier "n'a jamais porté la tenue avec laquelle il apparaît dans la vidéo", a ajouté la direction générale des prisons (DGAPR). La diffusion de la vidéo, jugée comme dégradante pour Zefzafi, a suscité la polémique et de nombreuses réactions d'indignation. Non daté et non bourcée, elle dure près de deux minutes : Zefzafi, calme et silencieux, obtempère et soulève sa djellaba pour montrer son torse, son dos et ses jambes, avec en bruit de fond des voix masculines. L'Association marocaine des droits de l'homme (AMDH) a condamné une séquence "humiliante" qui constitue une "atteinte à ses droits de prisonnier". - Sous la pression, les manifestations ont cessé début juillet. Et la tension est retombée d'un cran avec le retrait des policiers de lieux publics emblématiques à Al-Hoceïma et Imzouren, une mesure décidée par le roi Mohammed VI en signe d'apaisement, selon les autorités locales. Mais le mouvement perdure, avec la poursuite d'attroupements improvisés de jeunes sur les plages, de concerts de casseroles ou de klaxons et toujours la mobilisation sur les réseaux sociaux. La «libération des détenus» est devenue le nouveau leitmotiv des protestataires, qui s'inquiètent en particulier du sort de Sylia Ziani, figure féminine du «hirak», aujourd'hui en «dépression grave» selon ses avocats. Samedi soir, une manifestation de soutien à la jeune femme a été violemment dispersée à Rabat. L'approche «sécuritaire» adoptée par les autorités reste très critiquée par les ONG et la société civile, mais également une partie de la classe politique, qui rappelle le caractère «pacifique» du mouvement et ses revendications «économiques et sociales». Rabat scrute désormais le retour des Rifains de la diaspora établis en Europe, qui affichent un fort soutien au «hirak», et que Zefzafi avait appelé, avant son arrestation, à une grande marche le 20 juillet. Attendu également, le traditionnel discours de la fête du Trône, qui sera prononcé par le roi le 30 juillet, et sera consacré cette année à la question du «développement au service des citoyens», a annoncé lundi l'agence de presse MAP (officielle).