Divagation d?animaux domestiques. C?est en ces termes un peu barbares qu?on désigne, dans la jargon administratif, les animaux qui se baladent dans nos rues comme s?ils étaient chez eux en pleine cambrousse. Dans un passé maintenant lointain, le plus petit village, le hameau le plus reculé, était gardé par un garde-champêtre, sorte de cerbère vigilant contre la moindre intrusion des animaux domestiques. Il était interdit de laisser divaguer ses bêtes sur la voie publique. La plus petite chèvre, non entravée qui était prise dans les ruelles du village, était saisie par le «chambite» et le propriétaire devait payer une forte amende. Aujourd?hui, cette infâme dictature a enfin cessé. C?est l?indépendance pour nos braves bêtes. Des élevages intensifs sont pratiqués jusque dans les plus grandes villes du pays, de préférence à la périphérie et dans les quartiers populaires, mais aussi parfois, dans des locaux jusque dans les zones «industrielles ou dans les sous-sol des villas». Nos braves bêtes citadines, contrairement à leurs congénères de la campagne, peuvent aller où bon leur semble. Les rares tourisques, pardon touristes, qui viennent encore chez nous, peuvent admirer ces scènes bucoliques en plein centre-ville où des vaches broutent de délicieux sachets en plastique et de succulentes ordures ménagères, dans ces belles cités de rêve où ne manquent ni le chardon, ni les ronces, ni même les jeunes pousses d?arbres plantées par quelque locataire insensé. Il paraît que le lait de poubelle est très riche en anticorps et que c?est un antibiotique révolutionnaire. Un jour, un wali demanda au maire de son chef-lieu de prendre ses dispositions pour mettre fin à la divagation des troupeaux entiers de vaches, de moutons et de chèvres qui encombrent la voie publique et qui donnaient aux rues de vagues allures de villes indiennes ? végétariens en moins. Le lendemain, une crise majeure éclata entre le maire et son adjoint. Ce dernier était le propriétaire des vaches dont le pâturage se trouvait à la cité des Cerisiers, juste à côté du centre-ville, là où il y avait les meilleures ordures. Toute la tribu se rangea du côté de son cher fils éleveur-adjoint. Le RND, parti des deux belligérants, se mit de la partie et il fut décidé, pour éviter des complications politiques, que les vaches aussi avaient le droit de se nourrir. Comme, en plus elles aidaient au nettoyage de la ville, le wali n?avait plus rien à dire !