Dérapage - Neuf personnes ont été tuées dans la nuit d'hier dans le centre de l'Iran, où des manifestants ont tenté de prendre d'assaut un poste de police, lors de violences liées à un mouvement de contestation antigouvernemental sans équivalent depuis 2009. Au total, 21 personnes - dont 16 manifestants - ont été tuées depuis le début, jeudi, des rassemblements contre les difficultés économiques et le pouvoir, qui ont commencé à Machhad (nord-est) pour se propager rapidement à l'ensemble du pays. La capitale iranienne Téhéran est globalement moins touchée par les protestations que les petites et moyennes villes, mais 450 personnes y ont été arrêtées depuis samedi, selon les autorités locales. Accusant une «petite minorité» de «fauteurs de troubles» qui utilisent la violence, le président iranien, Hassan Rohani, a assuré que le gouvernement était déterminé à «régler les problèmes de la population», en particulier le chômage (12% de la population active). Les autorités ont déployé des forces de sécurité supplémentaires pour faire face au mouvement de protestations en cours, qui ne paraît pas être particulièrement structuré, notamment à sa tête. Selon la télévision d'Etat, six manifestants sont morts dans des affrontements nocturnes avec les forces de l'ordre, alors qu'ils tentaient de prendre d'assaut un poste de police à Qahderijan, dans la province d'Ispahan. A Khomeinyshahr, dans cette même région du centre de l'Iran, un enfant de 11 ans a été tué et son père blessé par des tirs de manifestants alors qu'ils passaient près d'un rassemblement. Un membre des Gardiens de la révolution a, par ailleurs, été tué et un autre blessé par des tirs de fusil de chasse à Kahriz Sang (centre). Les autorités avaient en outre fait état, hier soir, de la mort d'un policier, tué par les tirs d'une arme de chasse à Najafabad. Une centaine de personnes été arrêtées, hier soir, dans la province d'Ispahan, toujours selon la télévision d'Etat. A Téhéran, une poignée de manifestants seulement a tenté de se rassembler dans le quartier de l'université, dans le centre de la capitale. Dans la capitale, «200 personnes ont été arrêtées samedi, 150 dimanche et environ 100 lundi», a déclaré le sous-préfet à l'agence Ilna, proche des réformateurs. «Nous ne permettrons en aucune manière que l'insécurité continue à Téhéran. Si cela devait continuer, les responsables prendront des décisions pour en finir», a assuré le général Esmaïl Kossari, le numéro deux de la base des Gardiens de la révolution chargée de la sécurité à Téhéran, selon les médias iraniens. «Chaque jour qui passe, le crime des personnes arrêtées devient plus grave et leur punition sera plus lourde. Nous ne les considérons plus comme des protestataires qui réclament leurs droits, mais comme des gens qui visent le régime», a déclaré le chef du tribunal révolutionnaire de Téhéran, Moussa Ghazanfarabadi, cité par l'agence Tasnim. R. I./Agences «Contre-révolutionnaires» Les autorités accusent des «fauteurs de troubles» armés de s'infiltrer parmi les manifestants et certains dirigeants ont pointé du doigt le rôle présumé de «contre-révolutionnaires» installés à l'étranger. Le général Rassoul Sanaïrad, l'adjoint politique du chef des Gardiens de la révolution, a ainsi accusé les Moudjahidine du peuple et les groupes monarchistes basés à l'étranger «d'être derrière ces événements», selon l'agence Tasnim. «Les monaféghines (‘hypocrites', terme utilisé pour désigné les Moudjahidine du peuple) ont été chargés par les Al-Saoud (famille régnante saoudienne) et certains pays européens de créer de l'insécurité dans le pays», a-t-il déclaré. Le vice-ministre iranien de l'Intérieur, Hossein Zolfaghari, s'est lui montré optimiste. «Dans la plupart des régions du pays, les gens coopèrent avec les forces chargées du maintien de l'ordre et de la sécurité. Les troubles dans certains endroits vont finir très vite», a-t-il déclaré, selon plusieurs médias. Les rassemblements antigouvernementaux, qui se poursuivent en dépit du blocage des messageries électroniques Telegram et Instagram, utilisées pour appeler à manifester, sont les plus importants depuis le mouvement de 2009 contre la réélection du président ultraconservateur Mahmoud Ahmadinejad. Elu pour un second mandat en mai, le président Hassan Rohani a permis à l'Iran de sortir de son isolement avec la levée de sanctions internationales liées aux activités nucléaires de Téhéran. Cette conséquence de la signature en 2015 d'un accord nucléaire historique avait fait espérer aux Iraniens une amélioration de la mauvaise situation économique, mais elle tarde à porter ses fruits. Le président américain, Donald Trump, a de son côté estimé que les manifestations montraient que «le temps du changement» était venu en Iran. La Turquie «s'inquiète» de «l'escalade» La Turquie s'est dite «inquiète» ce mardi face au mouvement de protestation contre les difficultés économiques et le pouvoir qui agite l'Iran depuis jeudi, et a mis en garde contre une «escalade» et des «provocations». «La Turquie est inquiète face aux informations selon lesquelles les manifestations (...) se répandent, provoquant des morts ainsi que la dégradation de certains bâtiments publics», a déclaré le ministère turc des Affaires étrangères dans un communiqué, ajoutant que «le bon sens doit prévaloir pour empêcher toute escalade». Au total, 21 personnes ont été tuées depuis le début des manifestations qui ont débuté jeudi à Machhad, deuxième ville du pays (nord-est). Neuf d'entre elles sont mortes dans la nuit de lundi à mardi dans plusieurs villes de la province d'Ispahan (centre). Par ailleurs, le sous-préfet de Téhéran, moins touchée que les villes iraniennes plus petites par le mouvement de protestation, a annoncé mardi que quelque 450 personnes ont été arrêtées depuis samedi dans la capitale. Le président Hassan Rohani, qui avait appelé au calme dimanche, a averti hier que «le peuple iranien répondra aux fauteurs de troubles», qui ne sont, selon lui, qu'une «petite minorité». Ces rassemblements sont les plus importants depuis le mouvement de contestation de 2009 contre la réélection du président ultraconservateur Mahmoud Ahmadinejad. «La violence et les provocations doivent être évitées», ajoute le communiqué d'Ankara, mettant en garde contre des «interventions extérieures». Les relations entre la Turquie et l'Iran sont historiquement ambivalentes, mais se sont nettement réchauffées ces derniers mois, tandis qu'Ankara et Téhéran coopèrent avec Moscou sur le dossier syrien. 450 arrestations à Téhéran depuis samedi Quelque 450 personnes ont été arrêtées depuis samedi à Téhéran, moins touchée que les petites villes iraniennes par l'actuel mouvement de protestation contre les difficultés économiques et le pouvoir, a indiqué ce mardi un responsable. «Deux cents personnes ont été arrêtées samedi, 150 dimanche et environ 100 lundi», a déclaré le sous-préfet de Téhéran, Ali-Asghar Nasserbakht, à l'agence Ilna, proche des réformateurs. Ces trois derniers jours, seuls quelques centaines de personnes ont tenté de manifester dans la capitale, alors que de nombreuses villes de province ont connu des violences depuis le début des protestations, jeudi à Machhad (nord-est), deuxième ville du pays. «Nous estimons que la situation à Téhéran est plus calme que les jours précédents. Déjà hier (lundi), c'était plus calme que les jours d'avant», a déclaré M. Nasserbakht. Il a ajouté qu'aucune demande n'avait été faite à la base Sarollah des Gardiens de la révolution, chargée de la sécurité de la capitale en cas de troubles, pour intervenir, précisant que seules les forces de l'ordre intervenaient pour le moment à Téhéran.