Téhéran De notre envoyée spéciale Samedi, dès la tombée de la nuit, une foule nombreuse, composée essentiellement de jeunes – filles et garçons – s'est regroupée en plusieurs lieux de Téhéran, notamment le long de la principale artère de la capitale iranienne, l'avenue de la Révolution, pour exprimer sa joie à l'annonce, dans la journée, de la réélection du réformateur Hassan Rohani. «Merci l'Iran», «Vive les réformes», «Longue vie à Rohani», mais aussi «La police avec le peuple», ont-il scandé en donnant l'accolade aux policiers qui s'efforçaient de canaliser les manifestations et de réguler la circulation. Les jeunes Iraniens ont été durant toute la campagne électorale un soutien de poids au président réformateur, que ce soit dans la capitale ou dans les villes de province, comme Shiraz, Yazd ou Ispahan. L'aspiration à l'ouverture de l'Iran sur le monde est manifeste chez les jeunes Iraniens. Elle s'exprime par l'accueil qu'ils réservent aux touristes étrangers, qui commencent à arriver, en leur souhaitant la bienvenue, en leur demandant comment ils trouvent l'Iran, de quelle nationalité ils sont et en les invitant à prendre une photo avec eux. Hormis les villes religieuses comme Qom ou Machhad, les femmes sont nombreuses à délaisser le tchador, notamment les jeunes filles qui osent des tenues moins strictes, en laissant apparaître sous des foulards légers leur chevelure et leur visage maquillé, remplaçant le voile noir par des manteaux à la coupe moderne sur des jeans et autres pantalons moulants. De la musique s'échappent de boutiques ou des voitures. Autant de signes qui montrent la soif des jeunes Iraniens, instruits, cultivés et curieux, de se rapprocher de leurs semblables à travers le monde. Des signes de liberté, inenvisageables il y a quatre ans, sont perceptibles. Ils ont envie de plus de liberté, de vivre, de s'amuser, de voyager. Nombreux sont les subterfuges qu'ils utilisent pour contourner les règles sociales édictées par les religieux. Dans les jardins comme celui dédié au poète et intellectuel Hafez à Shiraz, qualifiée de ville de la poésie et des lettres, sur les ponts d'Ispahan, jusque dans Yazd, l'une des trois villes religieuses de l'Iran avec Mashhad et Qom, des groupes de filles et de garçons se forment pour prendre un thé, badiner, prendre beaucoup de selfies dont tous les Iraniens raffolent. Bien que le chômage touche plus de 30% de jeunes, l'aspiration à l'émancipation est plus forte. Aussi, la victoire du président sortant Hassan Rohani, dans laquelle les jeunes Iraniens portent beaucoup d'espérance, devrait lui permettre de poursuivre sa politique d'ouverture au monde qu'il avait engagée par l'accord nucléaire, conclu en juillet 2015 avec les puissances occidentales pendant son premier mandat. Il s'est engagé à ouvrir son pays et à accorder plus de libertés aux Iraniens dans son premier discours de Président réélu. «Le message de notre pays dans cette élection a été clair : la nation iranienne a choisi le chemin de l'interaction avec le monde, loin de la violence et de l'extrémisme», a déclaré Hassan Rohani, en promettant d'être le Président de tous les Iraniens. Il reste que le Président réélu devra faire face à de graves difficultés économiques – chômage, pouvoir d'achat dégradé du fait d'une inflation à deux chiffres et d'une monnaie fortement dévaluée que l'on constate à travers des billets de 100 000 jusqu'à 5000 000 rials (2,5 euros et 12,5 euros). Un défi que le président Rohani devra relever. Hassan Rohani a affirmé qu'il voulait «allouer 15 milliards de dollars (environ 13,7 milliards d'euros) pour les investissements et (...) 3,5 milliards pour aider les plus pauvres». Il s'est également engagé «à lever toutes les sanctions non nucléaires au cours des quatre prochaines années et ramener la grandeur de l'Iran et du peuple iranien». M. Rohani a également promis de négocier la levée des sanctions non liées au nucléaire, qui freinent la reprise des investissements étrangers dans le pays. Les conservateurs affirment que l'accord passé en 2015 n'a pas fait revenir les investisseurs et que les Occidentaux, les Etats-Unis en particulier, n'ont pas levé toutes les sanctions contre l'Iran. L'accord nucléaire a toutefois permis à l'Iran d'entamer son retour sur la scène internationale. Le principal rival de Hassan Rohani, le conservateur Ebrahim Raisi, proche de l'ayatollah Ali Khamenei, le guide suprême de la Révolution, a obtenu 15,8 millions des voix, soit un peu plus de 38%. «41,2 millions d'Iraniens ont participé à l'élection présidentielle», soit un taux de participation de 73%, a précisé samedi le ministre de l'Intérieur, Abdolreza Rahmani Fazli.