Récit Elle soulageait les malheureux, elle accueillait généreusement ses hôtes et soignait les malades. C'était, racontent les gens qui s?en rappellent, dans l'ancien temps. Certains disent il y a deux siècles, d'autres plus, d'autres moins, mais tout ce que l'on sait, c'est que cela s'est passé il y a longtemps... Elle s'appelait El-Alia et habitait Alger, la ville du saint patron Sidi Abderrahmane. Et Alger, à l'époque, c'était La Casbah, une ville construite sur une colline, dont les maisons semblent dégringoler jusqu'à la mer. La ville était défendue par de puissants bâtiments, armés de lourds canons... Mais revenons à El-Alia. C'était une femme très riche mais dont la vie n'avait été qu'une suite ininterrompue de malheurs : elle avait vu mourir tous les enfants qu'elle avait eus, et son mari lui-même était mort... D'autres narrateurs disent qu'El-Alia n'a jamais eu d'enfants, elle, ou son mari, ou les deux étant stériles. Mais on s'accorde à dire qu'elle avait de la fortune et surtout qu'elle possédait des biens immobiliers et des terres dans Alger et ses environs.Sa maison, qui aurait existé selon certains jusqu'au début du XXe siècle, était modeste. Elle devait ressembler à toutes les maisons de la vieille cité : quelques chambres autour d'un patio où se trouvait un puits. Bien que riche, elle ne dépensait que le strict nécessaire, non pas par avarice, mais parce qu'elle était de nature sobre. Par contre, elle se montrait généreuse avec les gens qui lui rendaient visite. «Venez, entrez, disait-elle à ses hôtes. Ne pensez pas que vous êtes chez El-Alia, mais chez vous !» Elle offrait tout ce qu'elle avait et, quand l'hôte passait la nuit chez elle, elle le régalait toujours d'un bon plat. S'il avait un conjoint ou des enfants, elle lui remettait une part de la nourriture qui restait. «C'est pour ton fils ou ta fille, c'est pour ton époux !» Elle était bonne avec ses voisins et secourait les plus pauvres d'entre eux. Une femme était enceinte et avait des envies ? Elle allait la supplier de lui dire ce qu'elle désirait ; elle se faisait toujours un plaisir de lui ramener la chose désirée. Elle visitait quotidiennement les malades, leur apportait des gâteries, et, quand ils n'avaient personne pour s'occuper d'eux, elle le faisait. Elle lavait leurs vêtements, leur apportait des médicaments? «El-Alia, lui disaient les malheureux, que Dieu te rende le bien que tu fais ! ? Tout ce que je fais, je le fais par désir de la Face de Dieu !» Bonne avec les pauvres, généreuse avec les hôtes, miséricordieuse avec les malades, elle aimait particulièrement les enfants. «Venez, mes petits» disait-elle à chaque fois qu'elle en voyait. Elle tirait de son corsage un sachet de bonbons et elle en distribuait. Elle leur achetait aussi des jouets et, pour l'Aïd, leur confectionnait des gâteaux. «El Alia, disaient les parents des petits, tu en fais trop ! Tu es si bonne ! ? On n'est jamais assez bon, disait la femme. Dieu seul a la bonté suprême.» Et elle continuait à faire le bien autour d'elle, à soulager les misères, à réconforter les malheureux... (à suivre...)