Souvenirs «Autour d?une table garnie, on se retrouvait pour une veillée. On chantait, on dansait, on racontait des histoires et on faisait des bouqalete» «Le déjeuner fini, on débarrassait la table. Lorsque les corvées ménagères sont terminées, chacune des voisines ramène une assiette de gâteaux. Une autre préparait le thé. L?autre apportait du lait et du café. L?une d?entre elles achetait du kalbelouz ou le préparait chez elle, alors que sa voisine ramenait des qtayef préparés plutôt sur la braise, dans une sorte de plateau appelé ?tahmira? et arrosés de cherbet (mélange d?eau, de sucre, d?eau de fleur d?oranger et un bâton de cannelle avec un soupçon de citron)», raconte khalti Z?hor. «Pendant ce temps, les hommes sont soit à la mosquée pour les prières des Taraouih, El Aïcha et Chfaâ et Outer (les dernières prières de la journée), soit dans les cafés maures ou rejoignaient des cercles fermés, ouverts aux initiés. On y préparait la Révolution. Et même pendant la Guerre d?Algérie, le ramadan se passait de la même manière, sauf que le combat se poursuivait», notera-t-elle. Elle revient à la soirée entre femmes. «Lors de ces soirées, on chantait des chansons de Tetma, Fadhila D?ziriya, Maâlma Yamna et Meriem Fekaï. Sur fond de derbouka et de tar (deux instruments utilisés dans la musique classique et andalouse), on dansait. On racontait des histoires anciennes et on faisait des bouqalete.» La bouqala se jouait de deux façons différentes. Celle qui nécessitait tout un rituel et du temps et celle qui se limitait à un récipient en poterie plein d?eau de source et dans laquelle une jeune fille plongeait une bague. Le jeu consistait à faire des v?ux suivis de vers d?une poésie ancestrale. Un jeu très prisé, particulièrement par les célibataires. Durant ces soirées du ramadan, «certaines femmes préparaient, tout en participant avec leurs voisines et invités, à l?ambiance conviviale, el mqatfa (des vermicelles maison à base de semoule et d?eau) qu?on mettait dans la chorba. Une activité à laquelle s?adonnaient les maîtresses de maison un soir sur deux ou sur trois tout au long du mois de jeûne. Tandis que d?autres roulaient, à la fin de la soirée, leur couscous pour préparer le s?hour : du couscous avec des raisins secs et du lait caillé (rayeb) ou du petit-lait (lben)», explique cette enfant de La Casbah qui garde encore en mémoire ces instants «inoubliables». Lors des soirées du ramadan d?antan, on s?invitait à des célébrations d?une circoncision ou d?un mariage et même sans occasion. On organisait ce qu?on appelait «ârs elqaâ» (une célébration sans mariage réel). «Juste pour l?ambiance», dira khalti Zhour. Elle ajoutera : «On y fêtait leylet elnass (la veille du 15e jour du ramadan) et leylet sebaâ ou âchrin (la veille du 27e jour du ramadan).»