Mourad II et Mohamed II le Conquérant développent le «devisirme» (instauré par Mourad Ier), un système de recrutement de jeunes garçons chrétiens qui ont entre huit et dix-sept ans environ, et qui vont être convertis à l'islam et devoir une allégeance absolue au sultan quelle que soit la position à laquelle ils vont accéder. Amenés devant le sultan, ils sont choisis selon leurs qualités et leur physique. Les plus brillants sont envoyés à l'école du palais où la meilleure éducation possible, dans la haute tradition de l' islam, leur est donnée. L'élite est destinée aux postes-clef de l'empire qui peuvent mener jusqu'à la position suprême de grand vizir (sadrazam) à la tête du gouvernement et de l'armée. Ceux qui ne sont pas choisis pour l'école du palais reçoivent une éducation plus basique, empreinte de la culture islamique populaire. La plupart d'entre eux sont entraînés pour servir l'armée ottomane, formant le corps d'élite d'infanterie du sultan appelé corps des Janissaires. Les Janissaires composent la première armée ottomane permanente et soldée (1376), remplaçant les guerriers enrôlés, issus de tribus turcomanes, dont la loyauté pouvait parfois être mise en doute. Ils vont devenir un formidable instrument de conquête et de pouvoir pour la dynastie ottomane. L'entraînement et la vie quotidienne des Janissaires sont réglés par une discipline stricte (ils ne peuvent pas se marier, doivent vivre dans leurs casernes), mais en échange de leur loyauté et de leur dévotion, ils obtiennent des privilèges : ils ont un bon niveau de vie et un statut social respecté, ils sont exemptés d'impôts, ils ont droit à une part du butin durant les campagnes militaires, ils perçoivent une pension lorsqu'ils sont retraités où handicapés... Fervents musulmans, ils ont des liens privilégiés avec l'ordre mystique des derviches Bektas. Avec le temps, les Janissaires deviennent une puissante institution et influencent la politique. L'énorme chaudron utilisé pour cuire le pilaf a une signification symbolique spéciale pour les Janissaires qui, lorsqu'ils réclament un changement dans le cabinet du sultan ou la tête d'un grand vizir, le retournent (l'expression «retourner le chaudron» est toujours utilisée pour parler d'une rébellion dans les rangs). Ils défendent leurs intérêts, obtenant de meilleures soldes et la levée de l'obligation de célibat. Vers la fin du XVIe siècle, l'importance du «devisirme» diminue après que les musulmans turcs mâles aient été autorisés à s'enrôler et que les Janissaires aient commencé à enrôler leurs propres fils, rendant pour une grande part l'adhésion au corps, héréditaire. Au début du XVIIIe siècle, le système du devisirme est finalement abandonné. A partir du XVIIe siècle, les janissaires n'hésitent pas à déposer, parfois violemment, un sultan et d'en mettre un de leur choix sur le trône. En temps de paix, ils peuvent travailler au maintien de l'ordre ou faire du commerce. Le fait de développer une vie sociale et familiale diminue l?efficacité des janissaires en tant que combattants. Ils se révoltent à chaque tentative de réorganisation et de modernisation de l'armée. Leur dernière insurrection a lieu le 14 juin 1826, mais le lendemain le Sultan Mahmut II abolit leur corps et fait massacrer 6 000 d'entre eux retranchés dans leurs casernes. Les autres sont faits prisonniers ou bannis et leurs biens sont confisqués. Le règne relativement pacifique de Bayezit II (1481-1512) est marqué par quelques expéditions en mer Egée contre les ports grecs encore détenus par les Vénitiens (prise de Lepante en 1499, Modon et Coron en 1500). Des bateaux sont envoyés afin d'aider les Musulmans et les Juifs d'Espagne alors inquiétés par les tribunaux de l'Inquisition. Les Musulmans sont acheminés sur les côtes d'Afrique du Nord, ce qui permet aux Ottomans d'y implanter des bases. Les Juifs sont eux acheminés à Istanbul et à Salonique conquise en 1430. Les grandes conquêtes reprennent sous Selim Ier (1512-1520), surnommé «Le Cruel», qui, afin d'assurer sa seule autorité, fait disparaître ses frères. La guerre sainte et la victoire de Çald¦ran (1514) sur la dynastie chi'ite des Perses séfévides arrivés au pouvoir en 1501, permet l'annexion de l'est de l'Anatolie (Arménie, région de Diyarbak¦r). Selim Ier fait de l'Empire la première puissance islamique, en particulier par sa campagne de 1515-1517 où il écrase les Mamelouks à la bataille de Merdj Dab¦q près d'Alep, s'emparant de la Syrie, de la Palestine. La bataille de Ridaniyeh entraîne la prise du Caire avec l'annexion de l'Egypte ainsi que du Hidjaz où sont situées La Mecque et Médine, qui sont les deux villes les plus saintes de l'Islam. Ayant acquis le titre de «Protecteur des Lieux Saints», Sélim Ier et ses successeurs se prévaudront de cette position pour ajouter le titre de Calife à celui de sultan. Selim Ier réussit également à empêcher le Portugal d'établir le monopole du commerce des épices, la flotte portugaise ayant commencé à barrer les routes maritimes par lesquelles se fait le commerce ottoman des épices entre l'Inde, le sud de l'Arabie et l'Egypte.