Résumé de la 2e partie Le shérif se déplace chez Webley, mais point de boa, alors il s?en va laissant la famille consternée. Le shérif le rassure paternellement : «Mais non, mais non... Je vous demande simplement s'il a l'air dangereux !» C'est d'une voix étrangement normale que répond M. Webley, comme s'il parlait d'un phénomène devenu familier... «Non, non. Je ne crois pas qu'il soit dangereux. D'abord maintenant, nous sommes sûrs que c'est un boa et il n'est pas venimeux : rétrospectivement, ça nous rassure ! Vous savez, il n'a pas l'air de vouloir vraiment sortir des toilettes. Il a l'air de s'y plaire ! Il sort seulement la tête de l'eau, de temps en temps. Il émerge de la cuvette et il observe A TRAVERS LA LUNETTE ! Je veux dire, par-dessus la lunette, bien entendu ! Enfin, la lunette du siège des toilettes !» Le shérif, décidé à jouer le jeu, demande : «Il observe quoi ? ? Oh ! un peu tout. Il s'intéresse au ménage, au va-et-vient. J'interdis aux enfants d'approcher, mais en fait, nous n'en avons plus peur !... C'est ma femme surtout que ça gêne d'être observée quand elle se déshabille. Mais j'ai trouvé le truc : je tire la chasse, et il n'insiste pas ! Il replonge, en marche arrière ! Si vous voulez venir vérifier, venez maintenant ! Je ne tirerai pas la chasse ! Venez, je vous assure qu'il ne bougera pas !» Cette fois, c'est trop fort ! Le shérif et son adjoint foncent dans leur voiture, font marcher la sirène et le clignotant, freinent en catastrophe devant le bungalow et font irruption dans la salle de bains. Le boa est là. Sa tête émerge effectivement du siège des toilettes. Son regard est immobile. M. Webley se tient à côté, triomphant. Il dit : «Vous l'avez vu ? Regardez bien ! Vous allez voir ce qu'il fait !» Il tire la chasse, et alors, sous l'?il des policiers médusés, le boa redescend lentement. Avant même que le bruit de la cataracte soit apaisé, il a replongé dans l'eau de la cuvette, la tête en dernier, et il a disparu, comme un périscope. Le shérif est tellement médusé que la première question qui lui vient à l'esprit est d'ordre pratique mais idiote : «ça alors ! Mais comment il fait dans le siphon ?» L'adjoint, penché à côté de lui, murmure d'une voix blanche, mais logique : «Vous savez, ces animaux-là, c'est souple !» Il a fallu, pour sortir le boa, faire venir un spécialiste du Parc national voisin. Car les Webley ne voulaient pas que l'on tue l'animaI. Il était devenu leur boa. Quand on a réussi à l'extirper, en présence de la presse locale, de la Société protectrice des animaux et d'une délégation d'écologistes, il mesurait près de deux mètres ! Les anciens locataires l'avaient eu tout petit, et l'avaient jeté dans les toilettes en partant, croyant s'en débarrasser. Mais il avait prospéré dans la tuyauterie car depuis deux ans, il était là, à rêvasser dans l'incognito. Et il avait changé de taille ! Il a fallu d'ailleurs, pour l'en sortir, démonter le siphon, qui commençait à le gêner aux entournures. Le spécialiste, un herpétologue éminent, le trouva en fort bonne santé. Après discussions avec les écologistes et le commandant des pompiers, le boa, ébloui, intimidé par tout ce monde, fut relâché en grande pompe, dans son milieu naturel : c'est-à-dire dans la partie marécageuse du Parc national voisin. Quant à M. Webley, interviewé, il a fait la déclaration suivante : «Ce n'est pas parce que les serpents n'ont pas la tête sur les épaules qu'il faut les croire idiots. Ainsi je ne savais pas que le boa était un serpent d'eau. Et quand il sortait la tête, par-dessus le siège des toilettes, je croyais le décourager en tirant la chasse ? En réalité, il aimait ça, et plus j'y repense, plus je revois son regard INSISTANT, plus je crois que c'est cela qui nous a permis de le connaître. Il voulait quelque chose que je lui donnais... C'est le langage le plus simple du monde.»