Pourquoi le théâtre algérien ne répond-il plus aux goûts du public, notamment le plus jeune ? Pourquoi souffre-t-il ? Pourquoi est-il dans un état de délabrement total ? La théâtralité constitue, à l?évidence, une raison palpable qui atteste de l?état actuel du théâtre en Algérie. Elle s?avère caduque puisqu?elle s?opère selon les vieux modèles d?énonciation scénique, en total décalage avec l?actualité théâtrale. Des troupes théâtrales existent, certes, et activent, même si cela se fait de manière sporadique. Mais elles ?uvrent, tant bien que mal, à reproduire littéralement et de façon inconsciente et mécanique (cela témoigne de l?héritage qu?elles ont reçu) les anciens schémas, les stéréotypes, les attitudes que leurs aînés ont eus et utilisés autrefois, durant leur carrière, n?apportant de fait pas la moindre innovation à leur jeu scénique. Il s?agit de la même mise en scène, d?une scénographie identique. Le jeu perd du coup toute sa spontanéité? En fait, l?on est confronté à la même dramaturgie qui se répète à l?infini jusqu?à lasser le public. Leur production théâtrale anachronique et excédante perd autant de son intellectualité que de son esthétique. Il existe néanmoins ? ce serait une injustice de l?occulter ? quelques jeunes formations théâtrales qui font dans le renouveau. Mais à défaut du partage d?expériences et d?apprentissage en adéquation avec ce qui se fait ailleurs, leur jeu scénique reste incomplet, insuffisant. L?on assiste donc à l?agonie d?un théâtre qui, bridé et étouffé par les vieilles conceptions théâtrales et s?ajustant à de vieux modes de dramaturgie, manque de singularité, d?audace et d?originalité. Renfermé sur lui-même, le théâtre stagne dans un immobilisme évident, il végète dans un environnement déphasé, inadapté à la réalité contemporaine et, du coup, ne répondant en aucune manière aux besoins d?un public jeune, moderne, aspirant à de nouvelles manières scéniques et à des aspects théâtraux inhabituels, jamais vus. Patrick Le Mauff disait à ce sujet : «On sent le manque de contact des artistes du théâtre algérien avec leurs homologues d?autres pays, et ça se remarque (sensiblement) dans le produit scénique qui semble figé (?). Il a besoin d?air frais, de s?oxygéner en s?alimentant de l?extérieur et en étant soutenu de l?intérieur?» Patrick Le Mauff a vu juste. Il a discerné la faille. La pratique du théâtre algérien reste encore réglée par les anciens enseignements, les formations inusitées. Toute suggestion formulée pour renouveler le champ théâtral est refusée, rejetée par l?esprit conservateur qui confine le théâtre dans des pratiques rétrogrades.