Choc L'assassinat de Rafic Hariri renvoie les Libanais, mais aussi le reste du monde, à un passé qu?ils croyaient révolu. Quinze ans après la guerre civile de 1975-1990, l'image apaisée que le Liban veut donner de lui reste extrêmement fragile. Certains partis, milices ou factions ont tout intérêt à ce que le Proche-Orient, dans son ensemble, reste en sang. Au moment où une lueur d'espoir se dessine entre Palestiniens et Israéliens, le Liban renoue avec les explosions qui ont coûté la vie au président Bechir Gemayel (1982), au Premier ministre Rachid Karamé (1987), au président René Moawad (1989) ou à l'ex-ministre Elie Hobeika (2002), pour ne citer que quelques victimes d'une interminable liste d'attentats. La mort de Hariri a pour mission d'aggraver une déjà grave crise politique intérieure. En froid avec le président Lahoud, l'ancien Premier ministre était un poids lourd du Liban. C'est d'ailleurs parce qu'il comptait beaucoup qu'il a été assassiné. Homme fort de la communauté sunnite, artisan (richissime) de la reconstruction de Beyrouth, interlocuteur des organismes financiers occidentaux, il aurait forcément pesé sur les élections législatives prévues au printemps. Plus que jamais le Liban, Etat de moins de quatre millions d'habitants, a besoin de l'appui des démocraties pour ne pas retomber dans les débordements d'il y a vingt ans. En 2002, le Liban a fait un retour remarqué sur la scène internationale en accueillant un sommet de la Ligue arabe et un sommet de la francophonie. La relance de l'économie, grâce à de considérables engagements en dollars de la part des pays du Golfe, avait, malgré une dette encore importante, accrédité l'idée d'une normalisation.Mosaïque unique en son genre de musulmans et de chrétiens de toutes confessions, le Liban mérite de trouver enfin un destin à la hauteur de son histoire millénaire et de sa mixité exceptionnelle. L'attentat d'hier fait tout pour le ramener de force vers ses démons les plus sinistres.