Un raz-de-marée est promis à la liste Hariri qui fait feu de tout bois se garantissant une majorité potentielle à Beyrouth. Le scrutin législatif entamé hier dans la capitale libanaise, Beyrouth, risque de tourner au plébiscite pour la liste du clan Hariri. Ce premier scrutin sera suivi par trois autres votes qui auront lieu en trois étapes les 5, 12 et 19 juin prochain à travers les autres régions du Liban. Ainsi, Saad Hariri, héritier du milliardaire assassiné, et ancien Premier ministre, Rafic Hariri, veut tout rafler, mettant à contribution le poids (énorme) du clan dans un scrutin législatif appelé à être à sens unique et consacrer l'opposition face à un pouvoir totalement déstabilisé ces dernières semaines tant du fait de la disparition tragique du leader sunnite Rafic Hariri, que du retrait précipité des troupes syriennes stationnées au Liban, retrait imposé par la communauté internationale à Damas. Orphelin du soutien syrien, une partie de sa nomenklatura discréditée, ses caciques, fatigués, contraints de s'effacer sans gloire et sortir sur la pointe des pieds, le pouvoir issu des accords de Taef de 1990 -qui ont mis un terme à quinze ans de guerre civile- n'a pas su, ou voulu, mettre en application les recommandations de l'accord de paix, renvoyant aux calendes grecques les réformes et la refondation d'un Liban unitaire dont les assises ne seront plus confessionnelles, mais nationales. Or, le Liban en 2005 semble revenir à la case départ, le confessionnalisme et le communautarisme régissant plus que jamais la donne politique libanaise. Aussi, ces législatives post-présence syrienne qui devaient ouvrir le Liban sur des horizons nouveaux risque de ne pas atteindre ses objectifs et de n'être qu'un pétard mouillé au regard de la débandade des ténors de la scène politique libanaise, qui ont préféré tirer leur révérence, -tels les anciens Premier ministres Selim El Hoss et Omar Karamé, ce dernier contraint de quitter son poste en avril dernier-, face à la vague de contestation et à la montée en puissance de l'opposition induites par l'assassinat de Rafic Hariri. De fait l'onde de choc Hariri porte aujourd'hui l'opposition et le fils cadet, Saad Hariri, joue carrément sur l'émotion créée autour de l'assassinat de son père. Ainsi, il n'a cessé de marteler, et des dizaines de banderoles le montrent éloquemment, «Si vous voulez la vérité sur l´assassinat de notre Rafic, si vous voulez confondre les meurtriers, votez pour les listes du martyr de l´indépendance». D'autres banderoles et tracts affirment «Récitez la Fatiha et votez pour les listes Hariri». Devant ce rouleau compresseur, et face à la formidable logistique du clan Hariri, les autres candidats se sont trouvés réduits au rang de faire-valoir. Saad Hariri ne semble vouloir laisser aucun choix aux Beyrouthins que celui de voter pour ses listes. A telle enseigne que Saadeddine Khaled, fils du muphti assassiné de Beyrouth, -sérieux rival du fils Hariri-, a dû renoncer à briguer un siège en expliquant son retrait de la course par le fait que «C´est un raz-de-marée et personne ne peut l´affronter. Si quelqu´un s´y risque il sera accusé de faire le jeu des meurtriers». De son côté, le politologue libanais Samir Kassir confiait à une agence de presse que «dans la conscience des gens, Rafic Hariri est désormais plus grand mort que vivant. Cette campagne tourne au plébiscite». Et personne n'ose aller à l'encontre de cette légende naissante. De fait, le scrutin tel qu'il se déroule à Beyrouth a perdu une bonne part de sa signification politique noyée qu'elle est par une émotion, justifiée certes, mais qui n'aurait pas dû contrarier la libre expression citoyenne. De fait, avant même le début de la consultation électorale, neuf sièges de Beyrouth ont déjà été attribués à la liste Hariri. Ainsi, neuf candidats de cette liste ont été élus d'office faute d'adversaires (désistement et absences) alors que les 26 autres candidats «Hariri» ont toutes les chances de truster les sièges en jeu dans la capitale. Outre la mainmise du clan Hariri sur le suffrage beyrouthin, ce qui faisait l'actualité d'hier c'est la faiblesse de l'affluence dans les bureaux de vote. Le taux de participation était évalué hier à la mi-journée aux environs de 12% alors qu'il était de 33,08% à la même heure lors des législatives de 2000. Seuls les sunnites ont répondu en masse, semble-t-il, à l'appel de Saad Hariri. Le Premier ministre libanais, Nagib Miqati, expliqua ce faible taux par les appels au boycott du Courant patriotique libre (CPL du général Michel Aoun) et du parti arménien Tachnag ainsi que par les neuf candidats déjà élus sur la liste Hariri. Beyrouth annonce en filigrane ce que seront les prochaines étapes du marathon électoral libanais.