Résumé de la 1re partie Le 27 décembre 1988, en pleine période de fêtes, au petit matin, on découvre le corps affreusement mutilé d'un homme, portant seulement un slip, des chaussettes et une seule basket. Les débats sont ouverts par le président. L'accusé prend place dans le box. Il n'a pas un physique commun. Il est de petite taille, mais très musclé. Il fait un peu plus que ses quarante-trois ans, avec son visage émacié, ses cheveux tirés en arrière et ses moustaches en guidon de vélo. Il a l'air d'un sportif de la Belle Epoque. C'est d'ailleurs un adepte du marathon, de la gymnastique et de la musculation. Et c'est avec calme et fermeté qu'il répond au président : «Je n'ai pas tué Yves T. !» Le président souligne les lacunes de l'instruction : le linge qui entourait le corps a été incinéré sans avoir été examiné, alors qu'il pouvait receler des indices capitaux ; les lunettes de la victime et sa veste ont disparu et n'ont jamais été sérieusement recherchées. A la demande de la défense, le président ordonne un transport en justice. La cour tout entière se retrouve dans la laverie du centre hospitalier d'O. C'est un vaste bâtiment très clair. Le séchoir numéro un est bien visible, parmi les autres machines. C'est un énorme engin d'un jaune éclatant, presque pimpant, à la grande porte percée de deux hublots. Le fait de visualiser le lieu du drame était sans doute important pour la cour et les jurés, mais l'épreuve est particulièrement insupportable pour la malheureuse veuve d'Yves, qui se prend la tête dans les mains pour ne pas voir la machine où son mari a connu cette mort horrible. Pour le reste, ce transport de justice ne donne rien et, après retour au palais, les débats reprennent de manière traditionnelle. On entend le médecin légiste qui, outre la victime, a aussi examiné l'accusé. Malgré son petit gabarit, Louis possède une musculature exceptionnelle et était capable de soulever les quatre-vingt-treize kilos d'Yves. C'est d'ailleurs un des trois arguments de l'accusation, avec les menaces proférées en public et le fait qu'il était capable de faire fonctionner la machine. Mais est-ce suffisant pour le déclarer coupable ? Les témoins de moralité se succèdent à la barre. Ils le décrivent comme «un homme sérieux, honnête, serviable, aimable, très franc, jamais agressif, un père attentif et un agent bien noté». Il avait récemment refusé une promotion à la laverie «parce qu'il se voyait mal commander ses camarades». Il préférait préparer des concours pour devenir technicien. L'expert psychiatre voit en lui un homme terrorisé par l'éventualité d'une erreur judiciaire le concernant. La première journée du procès se termine ainsi, après avoir fait naître beaucoup plus de doutes que de certitudes. Le lendemain, mardi 17 mars, on en apprend un peu plus sur la raison du climat détestable qui régnait à la laverie d'O. M. Serge W., ancien directeur général du CHR, n'élude aucune question. Quand il a pris ses fonctions au début des années quatre-vingt, la direction de la laverie venait d'être condamnée pour escroquerie. Grâce à des pots-de-vin versés à la direction des hôpitaux, elle avait obtenu l'exclusivité des commandes, tout en majorant ses factures de 115 à 262% ! Le retour à la normale a, évidemment, été difficile. «La blanchisserie posait de gros problèmes techniques, précise Serge W. Il fallait investir des dizaines de millions de francs. Nous avons entrepris, dans un climat très tendu entre le personnel d'encadrement et les syndicats, une restructuration, achevée en septembre 1988.» Cette restructuration, qui impliquait des changements de méthode de travail, des augmentations de cadences et des suppressions de postes, a été très mal vécue par le personnel. Des pannes, des disparitions de matériel se produisent. On parle de sabotages, de vols. C'est alors que, pour rétablir la situation, la direction engage Yves, homme à poigne, et extérieur au milieu hospitalier. (à suivre...)