Alors que Didier Wacogne, le président de la cour d'assises, qui le juge depuis lundi pour complicité d'assassinat et tentative d'assassinat dans trois attentats à Paris en 1995, lui demande s'il n'a rien à dire à propos d'un incident de procédure introduit au débat par sa défense, Rachid Ramda provoque l'indignation des parties civiles. Paris. De notre bureau D'un dossier qu'il portait sous le bras en prenant place dans son box, il cite le nom d'une victime de l'attentat de Saint-Michel, née en 1934, comme son père. « Quand je lis que le corps d'un homme a été transformé en boule de feu, j'imagine mon père. » « Si c'était mon père, je demanderais la peine de mort pour les gens qui ont fait ça. » C'en était trop pour les parties civiles, une mère de victime assise en face de lui éclate en sanglots, puis ne supportant plus le propos de l'accusé, se lève, les mains sur les oreilles et quitte la salle d'audience. « Ma sœur s'appelle Zakia, elle a six enfants, si je pense à Mme Maria Ferrera Garcia, je pense à ma soeur », continue l'accusé. Le président l'interrompt : « Nous sommes ici dans un débat de procédure sur un incident, il y a un temps pour tout, je ne veux pas vous empêcher de parler, mais nous sommes sur un point précis, je veux que votre propos soit ramassé. » L'accusé ne se démonte pas. « Il y a un problème, il y a un dilemme », a-t-il poursuivi, « soit la préservation de la loi française, soit il faut condamner quelqu'un parce qu'on n'a pas trouvé de coupable. Actuellement, il y a Rachid Ramda qui incarne la diabolisation. M. Ramda doit être jugé. Je vous rappelle l'affaire Outreau. Toute la France voulait la tête de ces gens-là. Et quand ils ont été innocentés, on a voulu changer la loi. On doit être raisonnable ». « Je soutiens les familles des victimes moralement et spirituellement comme je l'ai toujours fait », a-t-il conclu. « C'est insultant pour la mémoire des morts, comparer les procès des attentats de 1995 à l'affaire Outreau, ce n'est pas acceptable », réagit la présidente de SOS Attentats, Françoise Rudetzki. La cour s'est ensuite retirée pour délibérer sur la demande de l'accusé et de ses défenseurs d'annuler les poursuites considérant qu'il avait déjà été condamné pour les mêmes faits par le tribunal correctionnel en mars 2006, jugement confirmé par la cour d'appel de Paris le 18 décembre 2006. Le délibéré s'est conclu par le rejet des demandes de la défense, la cour estimant que les faits pour lesquels est présentement poursuivi Rachid Ramda sont distincts de ceux pour lesquels il a été condamné par le tribunal correctionnel le 29 mars 2006. Maître Holleaux, un des avocats des parties civiles, a fait valoir pour sa part que « s'il y a poursuite devant cette cour, c'est parce qu'il y a des morts », et « des personnes qui ont échappé à la mort ». « Aujourd'hui, on veut retirer aux victimes et à leurs parents le droit de se porter parties civiles », a-t-il ajouté. Et l'avocat de pointer ensuite « une espèce de plan média. Je ne vois pas de hasard dans le fait que le même Ramda refuse de parler devant un tribunal (le tribunal correctionnel en mars 2006, ndlr) et donne une interview à un journal le matin de l'ouverture de votre audience (interview à Libération, lundi, ndlr) ». Et de conclure que « les parties civiles n'ont pas de plan média, elles croient en la justice ». Rachid Ramda, qui n'a été extradé que le 1er décembre 2005 vers la France, a déjà été condamné à 10 ans d'emprisonnement pour les actes préparatoires de toute la vague d'attentats de 1995 en région parisienne, mais aussi à Lyon et Lille et contre un TGV Lyon-Paris, sous la qualification d'« association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste ». Il avait alors refusé de s'expliquer. Même attitude pendant l'instruction, laissant entendre qu'il réservait ses explications à la cour d'assises. Il encourt la réclusion criminelle à perpétuité. Il sera jugé pour complicité d'assassinats et tentative d'assassinats pour l'attentat à la station RER de Saint-Michel le 25 juillet 1995 (8 morts, 150 blessés) ; celui de la station de métro Maison-Blanche le 6 octobre 1995 (18 blessés) et l'attentat à la station RER d'Orsay le 17 octobre 1995 (26 blessés). Pour l'accusation, Rachid Ramda est non seulement le « financier » du groupe qui a commis les attentats de 1995 au nom du Groupe islamique armé, mais aussi le « responsable de la propagande », écrivant à Londres dans le bulletin clandestin du GIA, El Ansar. Le procès a repris dans l'après-midi avec l'audition des enquêteurs des attentats de Saint-Michel et du Musée d'Orsay. La journée d'aujourd'hui sera réservée à l'audition d'experts en explosifs. Des victimes des trois attentats seront entendues jeudi. Le procès doit durer tout le mois d'octobre.