Désillusion Rachid F. et Jamila L. sont les «Roméo et Juliette» d?El Affroun mais sans amour. Unis par les liens sacrés du mariage en 1988 et le comble c?était le... 5 octobre, Rachid et Jamila nichaient dans un taudis comme il y en a toujours en 2003... Petit à petit, parpaings après plâtre, vitres, après faïence, le taudis devint maison. Amoureux Rachid le met au nom de madame qui a dit avoir choyé, aimé, adoré, désiré son époux qui lui devait bien cela. Or, en amour, il y a des hauts des bas, des ô, des bah ! des bises et des coups, des caresses et des gnons. Un beau matin, madame se souvient des petites misères subies jusqu?en 2002 en novembre. Des histoires surgissent. Des insultes, des menaces de la part de Jamila qui n?est plus «Juliette». Son Roméo décide de plier sa veste sous le bras et de suivre les grands vents, laissant derrière lui Oued Bouroumi. Durant soixante jours, il ne donne plus signe de vie. Il s?est seulement souvenu qu?avant de claquer la porte de son domicile qu?il a cédé à l?épouse, il s?était écrié : «En quatorze ans d?union, on n?a pas eu d?enfants. On a eu pire : des ennuis ! surtout depuis les trois dernières années» durant lesquelles les travaux de finition de la «villa» avaient été achevés. Il se souvient encore du revirement des sentiments de madame depuis que la peinture avait séché. Il a ressenti, et il l?a dit face à Latifa Kessenti, la présidente, que sa «Juliette» avait pris conscience que la «petite maison dans la prairie d?El- Affroun» n?était plus qu?à elle «moi, je suis devenu un intrus». Le couple avait trop parlé. Me Toufik Rechache, l?avocat de l?inculpé, se tient pour le moment à l?écart. Mustapha Benimam, le procureur général, préfère mettre son grain de sel. Bon sang ! Il reste tout de même le représentant du ministère public, garant de l?ordre et de la sérénité. «Avec ce que nous venons de vivre en direct-live avec ce couple que je n?hésiterai pas à baptiser les «Roméo et Juliette modernes». Au lieu de vivre en harmonie, avec respect et surtout amour c?est «la guérilla quotidienne», ironise le parquetier toujours égal à lui-même. La juge hoche la tête et pousse un peu plus vers l?humour pour détendre l?atmosphère. «Juliette n?avait jamais eu un logement à son nom». Puis, comme pour se ressaisir, elle dit haut et fort : «Allez-vous vous réconcilier et rentrer chez vous ?» Jamila dit oui. Rachid dit non ! Il est vrai qu?il comparaît en appel car au tribunal, il a écopé d?une lourde peine de prison ferme de un an pour abandon de famille, alors que pour lui, il a été chassé de chez Jamila. «Ce n?est plus mon taudis des beaux jours c?est sa «villa» de malheurs, de heurts et d?histoires à ne pas en finir», pleure-t-il pour la première fois. Le comique fait place au drame. Kessenti, qui a laissé faire jusque-là, reprend les débats en main. Elle pose de bonnes questions à l?épouse qui crie toujours à l?abandon : «Il n?a pas versé un seul dinar en deux mois.» La juge lui demande de ne répondre qu?aux questions et de cesser d?interrompre ceux qui expliquent - Jamila, avez-vous, oui ou non, participé à la dégradation du foyer ? - Non, madame. - Jamila, avez-vous, oui ou non, fermé la porte au nez de Rachid ? - Non madame. - Rachid, avez-vous, oui ou non, claqué la porte et disparu ? - C?est elle qui m?a chassé, et puis... - Rachid, Rachid, c?est oui ou non ? - Oui, oui, il y a trop d?histoires. Je ne veux plus revenir. Tenez, je ferai un an de prison, dit l?inculpé exaspéré et démoralisé. Le PG est invité à effectuer les demandes : «Confirmation du jugement du tribunal». Me Rechache plaide la paix, la réconciliation. Il demande à madame plus de retenue et à Rachid un peu plus de sang-froid. Puis s?adressant aux magistrats : ce logement est le leur. Ils l?ont rénové ensemble. Ils y ont laissé des plumes et des millions. Une ultime fois, Kessenti demande aux amoureux guerriers qui se détestent cordialement s?ils sont prêts à faire la paix. Elle ne leur laisse même pas le temps de répondre. Elle annonce la mise en examen de l?affaire jusqu?au retour au calme.