Comme les doigts de la main, les bâtisses de La Casbah sont collées les unes aux autres pour ne pas dévoiler leurs secrets aux étrangers. Comme une femme mal-aimée qui espère rencontrer cet homme qui saurait apprécier ses offrandes, tel un poète incompris dont les vers suscitent mépris, tel un livre merveilleux oublié sur une table d?écolier, la mystique Casbah s?étiole de jour en jour. Pourtant, cette médina fortunée ne veut pas mourir, elle porte dans ses entrailles les richesses du passé, les aventures fantastiques des corsaires, des princesses, des femmes. Les confidences passionnées des amoureux, chuchotées aux coins des ruelles en lacis, les lettres enflammées écrites furtivement, les baisers volés derrière les murs, les légendes racontées par les grand-mères autour du kanoun ou un plat de couscous. Les cris des mômes excités devant la fraîcheur de ses fontaines, le fabuleux mariage des communautés divergentes qui ont survécu aux différences. Hormis la restauration des maisons et des palais, s?impose aussi celle du patrimoine oral qui s?effrite aujourd?hui avec la peinture en ciment qui étouffe les murs en terre et les empêche de raconter les scènes dont ils ont été témoins. Chaque rempart, chaque fenêtre, chaque marche, chaque parcelle ont une histoire et racontent, en silence, cette ville grouillante, édifiée par des mains brûlantes de vie. La Casbah émerveille et surprend des siècles après. A flanc de colline, telle une vierge, les terrasses dominent les terrasses, les lessives bariolées flottent au vent. Des éclats de rire de femmes. Des escaliers sombres et esseulés ou s?égaie la vie, un labyrinthe où l'on a plaisir à se perdre, à se chercher et à se découvrir.