Automne 1971 ou mars 1972 selon les versions, Ray Tomlinson, ingénieur de la société BBN, qui est alors sous contrat avec le gouvernement américain pour le projet Arpanet (l'ancêtre de l'Internet), a mis au point deux programmes. Le premier, Sndmsg (pour Send Message) associé à un autre logiciel, baptisé Readmail, permet à plusieurs personnes qui partagent le même ordinateur de s'y laisser des messages. Le second, Cpynet, permet de copier simultanément un fichier sur tous les ordinateurs d'Arpanet (qui relie à l'époque 15 machines !). Une idée traverse l'esprit de Ray : pourquoi ne pas associer les deux programmes pour échanger des messages d'un ordinateur à un autre ? L'ingénieur aménage le programme Sndmsg/Readmail et écrit 200 lignes de code. Il se crée deux boîtes aux lettres électroniques sur deux ordinateurs situés côte-à-côte et réussit à envoyer un message d'un ordinateur à un autre. Le courrier électronique est né ! On ne l'appelle pas encore e-mail, mais Netmail (pour Network Mail). A l'occasion, Ray se doit de définir l'adresse électronique. Il décide de diviser l'adresse en deux parties. D'un côté, le nom de l'utilisateur et, de l'autre, le nom de l'ordinateur sur lequel se trouve la boîte de réception. Par quoi séparer ces deux parties ? Le choix de Ray se porte sur l'arobase, @. Pourquoi ce signe plutôt qu'un autre ? L'@ ne fait pas partie des noms communs ou propres (donc pas de risque de confusion) et a l'avantage, en anglais, de se prononcer «at», c'est-à-dire «chez» ou «à». Trente ans plus tard, le signe est devenu une sorte d'icône pop, qui occupe l'espace communicationnel contemporain. Des dizaines d'entreprises et des partis politiques l'ont utilisé dans leurs marques ou leurs noms (Europ@Web, @McKinsey, @venue et ainsi de suite) en essayant de s'approprier ainsi les qualités qu'il incarne : modernité, connectivité, intelligence et rapidité. Et, bien sûr, il fait partie (par leurs adresses e-mail) de l'identité électronique de près d'un demi-milliard d'utilisateurs de l'Internet. Tout en étant reconnu comme l'inventeur de l'e-mail, Ray Tomlinson reste très modeste. Il ne se rappelle pas le texte du premier message envoyé par ses soins ; «test», très probablement. «Je voulais juste rendre la communication avec les autres chercheurs plus facile?»