Résumé de la 3e partie Gaëtan, l?enfant disparu, a été enlevé et séquestré. Des personnes l?ont vu en compagnie d?un homme «inquiétant». Les gendarmes incriminés viennent à la barre jurer que c'est entièrement faux, et l'audience se termine dans une atmosphère proche de la confusion... C'est dans ces conditions que débutent les plaidoiries, le lendemain, 17 janvier 1992. L'avocat de la partie civile commence par rappeler la situation particulièrement dramatique de Laure et Patrice I. qui, en plus de la douleur d'avoir perdu leur enfant, doivent subir l'incompréhension environnante. Parents dans le malheur ou pas, pour les habitants de C., ils restent les étrangers, qui n'ont rien à faire là. D'ailleurs, ils l'ont dit eux-mêmes : ils ont tenu jusqu'au procès, par dignité, par fierté. Mais après, quel que soit le verdict, ils s'en iront. Si Raoul est acquitté, ils ne pourraient supporter de vivre à côté de lui ; s'il est condamné, l'hostilité générale leur rendrait la vie insupportable. Mes clients, déclare l'avocat des parents, sont traités, depuis le début de cette affaire, comme des gêneurs. Ils viennent de la ville pour travailler la terre : on les rejette. Leur fils est enlevé : cela fait scandale, mais personne ne les plaint. Celui dont on a pitié, c'est Raoul. Raoul, l'enfant du pays, le «petit», comme on l'appelle ici affectueusement. Raoul, qui se trouvait sur la route au moment où Gaëtan a été enlevé. Raoul, qui n'a pas pu ne pas croiser l'enfant et qui, pourtant, se tait. Raoul, qui, à notre sens, est coupable. L'avocat général est du même avis, mais il est beaucoup plus catégorique. Coupable, Raoul M. l'est certainement. Sinon, pourquoi aurait-il pris soin de nier pendant si longtemps qu'il était sur les lieux au moment de l'enlèvement ? Pourquoi se serait-il fabriqué un alibi ? Au nom de la mémoire de Gaëtan, au nom de ses derniers instants, dont on ne peut qu'imaginer l'horreur, je vous demande de condamner cet homme à vingt ans de réclusion criminelle. La réquisition fait passer un grondement dans le public, où les habitants de la région, tous favorables à l'accusé, sont venus en nombre. Mais c'est au tour de la défense de s'exprimer. Le premier avocat dénonce «le puzzle aux pièces retaillées de l'accusation». Le second s'étend sur l'absence de tout mobile de la part de Raoul, enfin le troisième, qui parle le dernier, résume toute l'affaire avec éloquence et émotion : ? Un enfant disparaît dans la nuit des incertitudes. Vit-il encore ? Est-il mort ? C'est insupportable de ne pas le savoir. Tout comme il est insupportable pour Raoul d'être entré dans la nuit des incertitudes judiciaires. Raoul est victime de la vieille bête qui hante tous les villages : la rumeur. C'est elle qui l'a fait soupçonner. Aujourd'hui, ses concitoyens regrettent, mais personne ne rendra à l'innocent qui est dans ce box les quinze mois qu'il a passés en prison. Personne ne relèvera les décombres de sa maison, détruite par les bulldozers. La seule chose que vous puissiez rendre à Raoul M., c'est l'innocence ! Les jurés se retirent et reviennent deux heures plus tard, avec leur verdict. C'est «non» à la culpabilité. Raoul est acquitté, Raoul est innocent. Les habitants de C. et des environs s'embrassent, monsieur et madame I. se tassent sur eux-mêmes. Ils vont quitter le pays, Raoul va y revenir. Quant au petit Gaëtan, à moins d'un miracle, nul ne saura jamais ce qu'il est devenu.