Résumé de la 2e partie fuyant le prof dont les intentions malsaines se précisaient, Sadjia et Lilia se sont lancées dans une fuite éperdue dans la nuit. - Dieu, viens-nous en aide..., suppliaient-elles d?une même voix. A ce moment précis, en essayant de sortir de la rigole, elles butèrent sur une masse énorme ayant une forme humaine. Mouillées, transies de froid, sans voix, elles étaient là, rigides, bloquées par la peur. «Venez, disait le géant, cela fait un moment que je vous attends...». Puis il se retourna brusquement, la voiture était là comme surgie de nulle part, les deux filles se courbèrent. La voix du prof se fit entendre comme une malédiction : «Vous n'auriez pas vu des filles... ». «Des filles, des filles, qu'est-ce que c'est que ça ?», disait le géant. «Rien... rien», lui répondit-il. Sur ce, la voiture n'avait plus réapparu. Il leur fit traverser la route et les mena directement dans une grange éclairée par une lampe à pétrole accrochée à une poutre. Il tassa du foin dans un coin et étala dessus une couverture d'une couleur douteuse. Sadjia s'adossa au mur et allongea ses jambes. Lilia, quant à elle, posa sa tête sur la cuisse de sa copine. Un regard sur la montre les laissa bouche bée : il était deux heures et demie. Elles ont couru pendant plus de cinq heures. Pendant que Sadjia racontait sa mésaventure au géant à la voix rude et chaude, Lilia s'assoupit. Elle fut réveillée par une odeur agréable qui caressait et chatouillait ses narines. L'odeur d'un plat familier, fait avec de la viande séchée et salée. Elle crut qu'elle était chez elle et que sa mère la réveillait pour dîner. «Le dîner», pensa-t-elle en ouvrant les yeux brusquement. Une écuelle en bois était là, devant elle, fumante, bien pleine. Elle crut à un miracle, à une manne tombée du ciel. Elle se frotta les yeux pour être sûre que ce qu'elle voyait était réel. «Mange pendant que c'est chaud, c'est du berkoukès», lui disait Sadjia pendant que le géant lui tendait une cuillère en bois. - C'est tout ce que j'ai à vous offrir, disait-il humblement en baissant la tête. «C'est tout ?, disaient-elles en ch?ur, mais c'est un tout. Vous nous avez secourues, abritées et maintenant vous nous nourrissez... et vous dites c'est tout... savez-vous que quand nous mangeons ce plat à la maison, pour nous, c'est un jour de fête. Nous penserons à vous toujours comme à un jour de fête...». Heureux de les entendre parler de la sorte, il leur demanda de dormir un peu. C'est ce qu'elles firent après avoir avalé le plat et non sans avoir remercié Dieu. Il les réveilla à cinq heures, le car démarrait à six heures. Ils marchaient depuis près d'une demi-heure et les voilà à Blida. Ils s'arrêtèrent devant un kiosque. Le «géant» entra et en ressortit avec des beignets et du thé chaud. Les deux jeunes filles voulurent payer, mais il les arrêta net, leur disant qu'il était hors de question qu'une femme paye quoi que ce soit. Il en fit de même pour les billets du car. Il avait glissé quelques mots à l'oreille du chauffeur et c'était l'heure des adieux. «Que Dieu te protège», lui disaient-elles. Il leur répondit de même. Alors que le car démarrait, il commença une phrase : «Les chiens...» et le reste se perdit dans le ronflement incroyable du bus. Les deux amies se regardèrent d'un air interrogateur. Quelle ne fut leur surprise lorsque le chauffeur les déposa près de la cité universitaire. Elles le regardaient avec un beau sourire sur les lèvres. Devançant leur question, il leur avait dit : «Chose promise, chose due». Sur ce, ils se dirent au revoir. La pression de l'eau était forte à sept heures du matin. Elles ont pris tout leur temps sous la douche. Les cours ne débutaient que dans une heure et demie. Le premier était le cours d'arabe. Elles rentrèrent dans la salle toutes propres et bien habillées, riant d'une plaisanterie racontée par un copain. Et ce fut à ce moment qu'elles se retrouvèrent face à face avec leur prof. En prenant tout son courage, Lilia lui dit qu'elles avaient changé d'avis, elles préféreraient suivre le cours d'anglais à l'avenir. Lui, décontenancé, bégaya : «Comment, co... comment avez-vous fait pour tuer les chiens...» Elles venaient de comprendre le sens de la phrase laissée en suspens par le «géant». «Ils ont peut-être avalé de travers le canard à l'orange...», disaient-elles en riant à gorge déployée.