Scène Il est 11 heures à la Place des Martyrs. Devant la station de bus, direction Bachedjarah, une foule attend. «Ici, les gens sont prêts, à tout moment, à se bousculer pour monter les premiers et ainsi accaparer une place assise. C?est comme cela tous les jours», explique un agent de sécurité. Cinq minutes plus tard un bus arrive et le spectacle commence. Des jeunes, des vieux, des vieilles, tout le monde «pousse». Certains avec joie ! Ce qui explique les fous rires des jeunes filles qui n?hésitent pas à tenter leur chance, elles aussi, devant ces adolescents qui sont certainement là pour une autre raison que le transport. «Ce sont souvent des pickpockets, le vol à la tire est leur dada. Il suffit d?attendre le départ du bus pour constater qu?ils n?ont pas quitté le quai. Ils ne montent jamais dans le bus, ils rôdent sans arrêt à la recherche d?une victime», souligne l?agent de sécurité. Après un «dur combat», une jeune fille réussit enfin à monter dans le bus, elle s?assoit et «réserve» une place pour son amie. En quelques minutes le bus est déjà bondé. Impossible de faire le moindre mouvement, sinon il faut s?attendre à une insulte ou à une dispute des passagers qui s?entassent tels des sardines en boîte. Un quinquagénaire, trahi par ses forces, ayant essayé, en vain, de monter parmi les premiers passagers, demande à la jeune fille si la place est libre. Ayant reçu une réponse négative, le vieux commence à l?insulter. «Vous ne faites que racoler toute la journée, les filles de famille restent à la maison, il vous manque beaucoup d?éducation et vous n?avez aucun respect pour les personnes âgées», lance-t-il. La jeune fille, apparemment choquée par les propos du vieillard, n?ose pas prononcer le moindre mot. Elle ne l?invite pas non plus à s?asseoir. Stoïquement, elle attend l?arrivée de son amie qui arrive enfin et vient s?asseoir à côté. Elle l?interroge : «De quoi ce vieillard se plaint-il ?!» Le bus tarde à démarrer. Des impatients commencent à râler. «On va passer toute la journée ici ou quoi ?», entend-on. Le conducteur et son receveur font la sourde oreille. Ce n?est que quinze minutes plus tard que le vieux bus Sonacome démarre. Cette scène, qui se répète tous les jours, n?est qu?un échantillon du grand théâtre du transport en commun en Algérie et en particulier dans la capitale, où plus de 10 000 bus desservent quotidiennement les dizaines de destinations de ses 52 communes.