Galère Un après-midi à la station Farhani de Bab El-Oued. Les gens sont massés sur le quai, attendant l?arrivée du bus, comme à l?accoutumée. Ceux qui se présentent sont pleins. Fatigués par une journée de dur labeur, les gens préfèrent attendre un bus moins «chargé». Ce qui n?est pas du tout évident à cette heure de pointe. Toutefois, le bus tant attendu arrive. De marque Sonacome, il est vide. Le chauffeur a préféré commencer par une escale à Bab El-Oued, au grand bonheur de ces passagers. Dès que les portières sont ouvertes, les gens se hâtent pour accaparer le peu de places vides disponibles. Les autres se contentent de faire le voyage debout. Ce qui compte est d?arriver à bon port. Cependant, nul ne se doute du type de voyage auquel il va avoir droit. Dès les premiers mètres, les passagers se rendent compte que le bus roule trop vite. Au virage du boulevard de Bologhine, les premières frayeurs se dessinent sur les visages. Cependant, personne n?ose faire de remarque au chauffeur. Ce dernier, la quarantaine, a l?air de prendre un plaisir fou à slalomer au milieu des voitures à une vitesse vertigineuse. C?est une fois arrivé à Raïs Hamidou (ex-Pointe Pescade) que les gens vont se libérer. En marquant l?arrêt, une femme descend du bus, elle n?a pas le temps de mettre les deux pieds à terre que les portières se referment. Voyant que son enfant n?a pas pu la suivre, elle se met à crier. A l?intérieur du bus, les gens interpellent au chauffeur : «L?enfant n?est pas encore descendu espèce de malade.» Sans se retourner, il ralentit, rouvre la portière, regarde dans le rétroviseur pour s?assurer que le gamin est descendu. Tout de suite, il reprend sa course contre la montre. Néanmoins, cette fois, c?est accompagné de critiques et de cris qu?il poursuivra son «rallye». «Ce sont des personnes et non pas du bétail que tu transportes», crie un homme assis à l?arrière. Il sera imité par d?autres passagers qui n?en peuvent plus : «A cette vitesse on va droit vers le pire.» Ce qui a failli arriver. En effet, à l?arrivée à Baïnem, le bus manque d?écraser un automobiliste qui s?apprêtait à sortir de son véhicule à l?arrêt. Le chauffard ne prend même pas la peine de s?assurer que l?automobiliste va bien, il continue à conduire comme un automate. Fou de rage, l?automobiliste prend sa voiture et se lance à sa poursuite. Le chauffard, s?en rendant compte, appuie sur l?accélérateur, tentant de le semer. A bord du bus, c?est la panique. Certains supplient le chauffeur de s?excuser auprès de l?automobiliste, «pour que cesse la mascarade». Devant cette requête, il reste de marbre. L?automobiliste, voyant qu?il avait affaire à un fou, lui sert quelques injures avant de s?éclipser. La poursuite terminée, les passagers reprennent leur souffle. Cependant, certains n?acceptant plus d?être les otages d?un malade, quittent leurs places pour imposer au chauffeur de réduire sa vitesse. Ils seront stoppés pas le receveur, qui se met à gesticuler. L?empoignade dure jusqu'à Aïn Benian. A ce moment tout le monde croit que le chauffard réduira sa vitesse en entrant dans la ville. Malheureusement, il continuera sa course au même rythme, ce qui en étonna plus d?un. Au terminus, tout le monde descend avec la conviction d?être revenu de loin. Le chauffeur, lui, reste à sa place, attendant que d?autres passagers embarquent pour un nouveau voyage dément.