Sport n Si pour beaucoup de gens, sortir le soir signifie se rendre à un endroit précis, pour d?autres cela veut dire marcher librement au gré du désir. Il suffit de se mettre debout à Didouche pour se rendre compte de la densité de la foule. Impossible de se tenir droit. On est bousculé de partout, les flots humains ne s?arrêtent jamais. Quelques minutes à peine après el adhan, les immeubles déversent, peu à peu, leur contenu. Au fil des minutes, la foule grossit, les gens circulent par groupes, en couple ou seuls, des garçons ou des filles. «Je marche depuis que je suis né», affirme Yacine, pour signifier que le seul loisir qui reste à sa portée est «la marche libre». Cela veut dire quoi ? «Cela veut dire marcher librement, sans boussole, sans objectif préalablement défini, marcher droit vers l?avant, changer de direction comme on veut», explique-t-il. Pour Abderrahmane, la marche est importante, en ce ramadan, et «elle est à la portée de tous». «Pratiquement chaque jour, sauf le vendredi, je prends mon épouse et on sort. A partir de 20h, on sort, on marche jusqu'à épuisement et en rentre chez nous», explique-t-il. Kenza, son épouse, estime qu?il est «préférable de sortir prendre l?air, que de rester cloîtré entre quatre murs» et de poursuivre : «Surtout qu?on n?a pas l?occasion de sortir le soir en dehors du ramadan.» Pour Zohir, un jeune à peine émergé de l?adolescence, sortir signifie d?abord : «La recherche de la proie idéale» et de poursuivre : «Chaque soir, je me pomponne comme pour aller en boîte. Avec les copains, on flâne. On drague les filles.» Amine et ses copains viennent chaque soir de Bachedjarah. «On prend le premier bus vers la place du 1er-Mai, puis on prend le dernier pour le retour. Entre-temps, on passe notre temps à marcher, à blaguer.» De 20h à 23h, les trottoirs de Didouche ressemblent à l?intérieur d?un bus. Des milliers de gens passent et repassent. Des couples, des filles seules, des familles entières avec souvent un adolescent qui «surveille». Ces familles ne sortent pas uniquement pour le plaisir, mais tentent de joindre l?utile à l?agréable. «On se prépare pour les dépenses de l?Aïd. Donc, on en profite pour voir les prix et la qualité des vêtements pour nos deux enfants», dira une dame. Son mari, Hamid, déclare : «Oui, j?aime bien faire sortir ma famille. Il y a du monde, les gens sont agréables, les jeunes plus éduqués et on respire. Cela nous fait du bien.» Hamid, la cinquantaine, est médecin. Il habite le boulevard Amirouche.