Mercredi 10 juin 1992. C'est un procès de grande envergure qui va avoir lieu à B., devant la cour d'assises. Il s'ouvre dans un luxe incroyable de précautions : des forces de police quadrillent le palais de justice et toutes les personnes qui entrent dans la salle d'audience sont fouillées et doivent passer sous un portique électronique. Mais, plus encore que l'importance de ce déploiement policier, ce sont les faits qu'on va juger qui sortent de l'ordinaire. Car ils sont pour le moins peu banals. Ils sont même, par bien des côtés, ahurissants !... En août 1988, Edouard M. loue un entrepôt dans la zone industrielle de B. pour son affaire d'import-export de textile. Il emploie quatre agents commerciaux spécialisés dans la vente des jeans pour enfants. L'affaire semble bien tourner et elle intéresse un fabricant de textile du Finistère, Gilles R. Ce dernier est à la tête d'un atelier de fabrication relativement important, qui emploie trente-six personnes. Un marché est conclu en octobre 1988 : Gilles fournit à Edouard plusieurs lots de vêtements à vendre, représentant une valeur de cinq cent mille francs. Mais Edouard est, en fait, criblé de dettes. Il n'arrive pas à payer. Gilles utilise la procédure normale pour recouvrer l'argent qui lui est dû : les traites reviennent impayées. Il parvient à récupérer une partie de sa marchandise, mais il est loin des cinq cent mille francs. Gilles a alors une initiative incroyable ! Il fait appel à deux hommes de main originaires du Finistère, Hervé I., un ancien militaire réputé très violent, et Guy L. Et il leur demande, ni plus ni moins, d'enlever la fille de son débiteur ! Le kidnapping a lieu au domicile de ce dernier. La petite Nadia M., âgée de douze ans, est capturée, emmenée et séquestrée. Et Gilles fait parvenir son message au commerçant : «Ta fille contre le fric !» Si Edouard portait plainte, cette extraordinaire affaire pourrait retourner dans la normalité et suivre son cours judiciaire. Mais il ne dit rien ! Il accepte ces procédés dignes du Far West ou du Chicago des années trente, et tâche de réunir l'argent. Il parvient à se procurer deux cent mille francs et l'échange se fait en terrain neutre, à Paris. Nadia revient chez son père. Elle n'a pas subi de violences. Ce n'est pourtant pas fini, car Gilles a fait ses comptes. Edouard lui devait en tout trois cent vingt mille francs. Il lui en doit encore vingt mille, qu'il se met en devoir de récupérer avec les moyens si particuliers qui sont les siens. Il lui vole sa voiture, une Mercedes neuve, et il propose de la lui rendre contre la somme restante. Une entrevue est fixée à B., dans la nuit du 17 mai 1989. Seulement, cette fois, Gilles a été trop téméraire. Car Edouard a, lui aussi, des relations avec des mauvais garçons, d'ailleurs d'une tout autre envergure que les deux voyous bretons. Il n'a pas la somme et il a décidé de ne pas payer. De son côté, il se met en rapport avec Jean-Claude B., un caïd du milieu, qui recrute des hommes : René C., Patrick H. et Gilbert D., trois dangereux truands, plus quatre autres jeunes voyous qu'on emmène pour qu'ils apprennent le métier. Les Bretons arrivent à l'heure fixée : 2h 30. Gilles reste à l'extérieur et ses deux hommes de main, Hervé et Guy, entrent dans l'entrepôt. Ils pensent se trouver avec le seul Edouard et le terroriser avec leurs armes ; leur surprise va être de taille ! Ils tombent nez à nez avec Jean-Claude et ses sept hommes. Une discussion éclate et, vu la personnalité des protagonistes, elle tourne très vite à la fusillade générale. Jean-Claude est tué sur le coup, d'une balle en pleine tête. Hervé et Guy sont blessés, mais parviennent à prendre la fuite. Ils sont poursuivis par les truands et la fusillade redouble. (à suivre...)